Ancien commerçant et adjoint au maire de la ville des Herbiers, Hervé Pauvert est depuis toujours, fasciné par le monde du cirque. Avec son frère Alain, ces deux jeunes mortagnais de l’époque, recevaient de leurs parents des figurines Dinky Toys à chaque anniversaire. La collection prenait fière allure, et voyant l’admiration de leur fils Hervé pour le cirque, les parents Pauvert lui offre un livre de Jean Richard. Il ne cessait de répéter qu’un jour il irait ; personne ne le croyait. On le prenait pour un fou. Et puis un jour, la quarantaine passée, il a franchi le pas…

Il a encore en tête la photo d’un cirque Jean Richard installé sur la place de Mayenne. « J’aimais voir ces gens qui amenaient le spectacle de ville en ville. J’ai eu le déclic tout de suite ». Il collectionne les photos qui orneront les murs de sa chambre, tient des albums de gens du cirque comme d’autres collectionnent les vignettes de footballeurs ou de chanteurs. « Quand j’obtenais l’autographe, je ne me lavais pas les mains pendant plusieurs jours ». Du cirque, on ne fait pas un métier pense-t-on dans son entourage, alors Hervé passe un CAP électronique, puis le BEP. « Un jour les Micheletty posent leur chapiteau à Mortagne. J’étais fou. Mon patron savait que ce n’était pas la peine de compter sur moi, mais je lui rendais bien par ailleurs ». Sur la caisse un écriteau : « Cherche électricien ». « On me dit : si ça t’intéresse t’es là demain avec ton sac. Mes parents ont failli m’attacher toute la nuit quand je leur ai dit. A l’époque, on écoutait encore ses parents ; alors je ne suis pas parti. Mais dans un coin de ma tête, ce n’était que partie remise ».

Le football efface provisoirement le cirque dans l’esprit du jeune homme repéré par le club des Herbiers. « J’ai eu un précontrat avec le SCO Angers, mais le genou en a décidé autrement. Six mois alité ». Le cirque se remet à tourner dans sa tête, mais ce n’est pas encore tout à fait mûr. « J’ai enchaîné différents boulots chez Gilles Barrault, Jacques Fortin, Guy-Michel Soulard, puis je me suis installé à mon compte en électro-ménager, hifi et vidéo au Petit-Bourg. Rapidement la grande surface nous a fait de l’ombre ». Au sous-sol de son magasin, une maquette animée attise la curiosité. « Les familles avec leurs enfants, mais aussi les circassiens ». Les contacts avec le milieu du cirque se multiplient. « Vous verrez, un jour je partirai. Jean Richard qui était connu comme acteur a vécu la même chose. Pourquoi pas moi ? ».

Proche de Marcel Albert, il devient adjoint à la ville, à la sécurité et au commerce. « S’engager dans une collectivité est une chose que chacun devrait faire. Les gens seraient peut-être moins exigeants ? ». Jusqu’au jour où la passion prend le dessus. « J’avais une belle relation avec le cirque Amar. Son directeur voulait intégrer une personne de l’extérieur. Il voyait ça comme une ouverture, un moyen de palier à un niveau d’instruction interne plus en phase avec la société. « J’ai besoin d’un gars comme toi » me répétait-il. Quand ma fille a eu ses 18 ans, le moment était venu. J’en avais 42 ».

Il embarque femme et enfants. « Malheureusement ma femme est décédée un an plus tard, alors que notre rêve se concrétisait. Mes deux premiers enfants sont comme moi. Un qui est orienté matériel et qui commence la piste. Un autre qui a fait une maquette de cirque hyper réaliste. L’élève a dépassé le maître. C’est un orfèvre ».

Le cirque est parfois dans le viseur quand on évoque la maltraitance animale. « On n’a pas attendu les activistes pour savoir qu’un animal ne doit pas être maltraité et qu’il a besoin d’espace. Ici, on a agrandi les cages avant que la Loi nous l’impose. On vient de perdre un tigre qui avait 17 ou 18 ans quand l’espérance de vie dépasse rarement les 10. Ce tigre ne faisait plus de spectacle depuis de nombreuses années, mais il faisait toujours partie de la famille, avec une cage et une alimentation pour lui. Dans la nature, il n’y a pas de place pour les animaux vulnérables. Le dresseur a pleuré 8 jours ; ça nous a tous rendus malades ».

L’itinérance est un mode de vie. « À chaque étape c’est un décor nouveau. L’été, nous restons deux mois dans un parc, près d’un lac en Indre et Loire. Que c’est long ! Ma vie est faite de petits bouleversements journaliers ; je suis beaucoup sollicité pour diverses bricoles. En tant qu’avant-courrier, je programme la tournée avec les différentes villes ». Dans le monde gitan, la religion occupe une place importante. « J’ai toujours été chrétien et je travaille avec des chrétiens. J’aime bien aller dans les églises, mais beaucoup sont fermées. Contrairement à l’idée répandue du gitan voleur de poules, si quelqu’un vole, il est rejeté par son milieu ». La culture est aussi différente. « Je me considère gitan, mais pour beaucoup d’entre eux, je suis toujours un gadjo. Leur socle, c’est la famille. Les vieux meurent dans les roulottes. Et si on doit aller à l’hôpital, on se déplace avec toute la famille ». L’éducation se fait en interne. « C’est ma femme qui a obtenu plusieurs diplômes qui s’en occupe, 4 heures par jour. Les enfants savent lire et écrire. On s’en fout de savoir à quel âge Napoléon est mort. On assure l’essentiel pour ne pas décrocher du monde extérieur et faire toutes les démarches administratives ».

Hervé Pauvert qui a tourné avec tous les grands noms du cirque (Reich, Beautour, Falck et aujourd’hui la famille Douchet) n’imagine pas une seconde revenir à la vie d’avant. « Une passion, il faut la vivre à fond. Je me demande pourquoi j’ai tant attendu ? Il ne faut s’occuper ni écouter personne. C’est au moins ce que j’appréciais chez Tapie qui vient de nous quitter : le volontarisme. La bien-pensance, ça me dérange grave ! ». Avant de conclure : « je veux mourir là de-dedans », en montrant sa caravane. « Je suis un fils du vent et du soleil ». Le vent pour l’itinérance. Le soleil radieux comme ses yeux d’enfant.