La chemise à carreaux lui donne une allure de bûcheron. Ce barde originaire de Lamballe (Côtes d’Armor) associe la cascade à l’esthétique, maniant l’épée et la poésie pour faire caracoler ses émotions. Emmanuel Huet entretient rigoureusement son corps d’athlète, son meilleur allié sur scène. Son personnage de viking pourrait faire passer pour un rustre, cet artiste complet, amateur d’antiquités et d’arts martiaux qui lorgne aujourd’hui vers le cinéma.

Avant de goûter aux sensations du spectacle, Emmanuel cherchait sa voie. « Je ne pensais pas pouvoir concilier le plaisir avec une vie professionnelle. Je voyais autour de moi des gens bosser dans les usines à viande en Bretagne. Je n’avais pas envie de ça ». Sur le conseil d’un de ses amis, il débarque au Puy du Fou. « J’ai vite compris que la cascade que je pratiquais en mode loisir pouvait devenir mon métier ». Lui qui se donne à corps perdu pour ses passions est dans son élément. « Cette expérience dans le spectacle Vikings restera ma porte d’entrée dans le monde du travail et le monde du spectacle » tient-il à préciser au moment où il décide de tourner la page.

Convaincre le spectateur est sa priorité. « Il faut être crédible dans le geste, la façon de combattre. J’aime me mouvoir, me battre avec des armes, faire des acrobaties, jouer. Simuler l’accident, la chute ou toute situation périlleuse : savoir tomber dans un escalier, se faire percuter par une voiture. La cascade c’est un ensemble de choses qui doit se traduire, au final, par l’attitude la plus crédible possible ».

La performance résulte d’une préparation multidisciplinaire. « Avec l’association Warlegends nous pratiquons l’escrime dans ses différentes formes. On étudie les traités d’époque que l’on retranscrit en phases d’armes avec de vraies épées en acier (non tranchantes !) ». L’autre volet, c’est le physique. « J’ai connu des accidents qui auraient pu être dramatiques si je n’avais pas eu un physique entraîné. Grâce à ça, je suis passé à côté de grosses blessures ». La salle de sports fait partie de son quotidien. « Il faut que je sois constamment en condition. Si on m’appelle à l’improviste, je dois être prêt. Même quand ça me coûte, j’y vais. Je n’ai pas le choix ».

Cet amateur d’arts martiaux (il pratique le Nunchaku) est aussi un féru de capoeira ou de breakdance. « J’adore aller à la mer et m’entraîner dans l’eau : courir, faire une rondade ou un flip, terminer par un salto…ce sont de sacrées sensations. Un coup tu vois la mer, un coup tu vois le ciel. Même quand mon corps est fatigué, ça me fait le plus grand bien ». Un petit coup d’œil sur son Instagram donne un bel aperçu.

Emmanuel a aussi ses passions plus secrètes. « J’aime écrire depuis toujours. Mettre des mots sur les émotions permet de les partager, de les rendre plus belles. Une sensation est éphémère ; l’écrit la prolonge. Je m’inspire principalement de mes connaissances et de mes ressentis. Je viens de boucler un récit sur les chevaux de guerre ». Une façon pour lui de se transposer dans les grandes épopées. « J’aime l’ancien temps sans être forcément nostalgique. Me mettre dans la peau d’un personnage pour exprimer ce qu’il pouvait ressentir me plait beaucoup. Il y avait plus d’héroïsme à l’époque qu’aujourd’hui ».

La décoration, version antique, trouve chez lui toute sa place. « J’ai des colonnes de marbre avec des bustes. J’adore aller chiner ici ou là. Je loue mon salon pour faire des shootings photos ». Là comme ailleurs, il ne supporte pas l’approximation. « Je fais des recherches sur l’esthétique pour accorder formes et couleurs, que ce ne soit pas kitsch ».

Au moment de laisser un poste salarié, il croit en son destin. « Cette expérience du Puy du Fou m’a énormément apporté. Je ne suis pas aveuglément confiant pour la suite, mais je suis convaincu que mes efforts finiront par payer ». Il souhaite ajouter un peu plus de comédie à son savoir-faire. « On demande de plus en plus au cascadeur d’être aussi acteur et pas simplement une doublure ».

Il n’est pas indifférent aux menaces de ce monde. « On est en train de tuer notre mère nourricière. Par ailleurs, je suis très sensible à la maltraitance animale bien que je ne sois ni vegan, ni végétarien ». Des plaisirs simples occupent une vraie place dans sa vie. « Promener les chiens de mes parents, passer du temps avec la famille, les amis ». Sa référence littéraire est celle du poète Victor Hugo. « Côté cinéma, Gladiator me donne toujours la chair de poule. Les musiques de Hans Zimmer, Sandermatt, les interprétations de Pavarotti, la Callas…c’est plus que de la musique ; ça me transporte, littéralement ! ».