Le mot résilience, employé aujourd’hui à tort et à travers, trouve dans l’histoire de Maxime Launay un écho particulièrement touchant. Ce passionné d’équitation est paraplégique depuis un accident de cheval il y a dix ans. Une situation difficile à accepter dans un premier temps. Puis il a repris le dessus. Aujourd’hui il est joueur et entraîneur d’une équipe de hockey fauteuil aux Herbiers et il forme des jeunes à l’équitation, dresse son cheval Sisko. L’émerveillement qu’il suscite autour de lui est tout simplement à la hauteur du soutien exceptionnel qu’il reçoit de son entourage.

Durant son collège, Maxime bifurque vers une Maison Familiale pour faire un BEPA puis un Bac pro en élevage du cheval. Il a une obsession : devenir cavalier. « Comme Guillaume Roche lorsqu’il faisait l’indien ou le cowboy ». Son père, ancien bénévole au Puy du Fou, voit dans la cavalerie du spectacle une belle école pour son fils. « J’ai d’abord été bénévole dans un groupe d’acteurs, ce qui m’a permis d’accéder l’année suivante à l’Académie Junior à travers les pôles dressage, voltige et combat médiéval ». Débutant, confirmé, il franchit assez rapidement les étapes. « Différents stages m’ont conduit l’un chez Carlos Pinto, une référence dans le milieu, d’autres dans des écuries du coin ou en Irlande. Au fil des saisons au Puy du Fou, j’ai été tout d’abord palefrenier, puis je préparais les chevaux à l’écurie. Je suis devenu écuyer (figurant à pied dans le spectacle), puis progressivement je suis devenu cavalier ». Il fait les saisons de 2003 à 2008, et une fois le Bac pro en poche, il obtient une extension de contrat sur l’automne, puis un CDI dans la foulée. « Sur le plan de la formation, le Puy du Fou est une écurie en or. J’avais à peine 20 ans. Le métier me passionnait ».

A son tour il devient formateur auprès des plus jeunes, tout en continuant à se former lui-même. « Je me trouvais en décalage vis-à-vis des cavaliers confirmés. J’ai passé beaucoup de temps à observer des gars comme Eddy Miot ou Laurent Jahan, des sioux ! Avec leur œil, leur sens de l’observation et du détail, ils m’ont appris plein de choses ». En 2010, lors d’une expédition en Espagne il craque pour un cheval. « Sisko, en référence au cheval de Kevin Costner dans Danse avec les loups ».

Coup du sort le 5 juin 2011 : Maxime est victime d’un terrible accident dont il sortira paraplégique. « Je me suis fait percuter par un cheval lors d’un spectacle. Fracture de la première lombaire. Plusieurs soucis s’y sont ajoutés : décollement de la plèvre, pneumothorax, côtes fracturées. J’ai perdu la vision quelques instants ; j’avais du mal à respirer. Au réveil, le surlendemain de l’accident, je ne sentais plus mes jambes. J’ai cru quelques instants à un mauvais rêve, puis j’ai vu que j’étais intubé. Je revoyais l’accident sous tous les angles ». Les idées noires traversent son esprit. « Moi qui avais tout misé sur les chevaux, j’étais abattu. Quelques jours après on me change de chambre, et en regardant dehors j’ai eu un déclic. Il fallait que j’avance, que je regarde devant ». Dans un environnement pesant, entouré de patients handicapés et de malades addicts, Maxime se remobilise, entouré d’une équipe de soignants dynamiques. Progressivement, l’émotion légèrement surmontée, ses collègues reviennent le voir, entre deux spectacles. « Il y avait une odeur mêlée de graisse pour les pieds des chevaux et de transpiration. Ça cocottait, mais j’ai apprécié. Ça ne sentait plus l’hôpital, mais le bourrin ». Les journées de rééducation sont bien remplies : musculation pour faciliter les transferts, auto-sondages pour retrouver l’autonomie, les bas de contention à chausser… « On nous présente alors différentes activités dans la petite salle de sports de Saint Jacques. L’ASTA de Nantes est venue faire une démo de hockey en fauteuil. Ça m’a plus car il n’y avait pas que des ‘handicapés’ ; des valides jouaient également ». Maxime prend une licence, assiste aux entraînements à Nantes. « Le club des Roulettes Herbretaises qui faisait dans le roller voulait monter une section Handi. Ils avaient entendu parler de moi car j’habitais les Herbiers ».

Les témoignages à l’égard de Max se multiplient. « Des jeunes de l’Académie junior, des branleurs de 14/15 ans sont venus jouer en fauteuil pour compléter les effectifs car nous étions 3 ‘handis’ au départ. Cela m’a touché. Des actions de solidarité ont permis d’acheter du matériel (3 000€ le fauteuil). Le Lion’s club m’a financé une selle adaptée pour remonter. Mon père qui ne voyait l’intérêt pour moi de pratiquer le hockey fauteuil, s’est finalement pris au jeu, se met de temps en temps en fauteuil et il est arbitre aujourd’hui ». Revenir chez soi est une nouvelle étape. « Les infirmières ne sont plus là pour t’aider ». Se déplacer pour le hockey est un challenge. « Quand tu as pris tes habitudes à la maison, se déplacer à l’hôtel fait peur au départ ». Deux clubs existent en France et offrent ainsi la possibilité d’un tournoi amical. Un déplacement de cinq jours aura lieu en Hollande. « Nous avons fait une sélection avec les deux clubs réunis. On s’est pris des grosses tôles au départ, mais on a passé un très bon séjours ».

Sur le plan professionnel, Maxime retrouve un contrat au Puy du Fou. « J’ai retrouvé une partie de mon ancien travail avec la préparation des feuilles de spectacle. Je fais de la formation théorique en équitation à l’Académie Junior ainsi qu’à Puy du Fou Académie ».

Remonter sur le cheval, sans l’appui des jambes sur les étriers, s’avère périlleux dans un premier temps. « C’est Eddy Miot, le premier à m’avoir remis les fesses sur le cheval. Il me présente ma monture, un poney. Quand t’es voltigeur, tu fais le kakou. Là, tu ravales ta salive. On a fait un tour d’un quart d’heure dans la vallée de Poupet. Une sensation très bizarre avec la peur de tomber ». Les potes de la cavalerie ne sont pas en reste. « Ils étaient cinq à me monter sur le cheval, certains en pleurs ». Maxime peut reprendre une scène pour le spectacle de nuit, au pas, entouré de deux cavaliers. « Je retrouvais ces odeurs particulières qui au final m’étaient agréables ». Un autre cavalier jouera un rôle particulier dans sa rééducation, c’est Hadrien Mauras. « Un gars très franc, très direct, d’une patience inestimable à mon égard et à celui de Sisko qui était resté près de deux ans sans activité. J’ai passé des heures et des heures la main en l’air, attendant que le cheval baisse la tête pour lui mettre le licol. Il fallait que je réapprenne une forme d’autorité, de mon fauteuil, pour lui redonner envie de bosser. Ça, c’est du taf. J’ai énormément appris dans la relation avec lui, retrouver un feeling nouveau. Sa façon de réagir m’a bluffé. C’est lui qui s’est adapté à moi en acceptant que je tire sur les rênes quand je perdais l’équilibre. Il transpirait, car lui aussi stressait. On s’est de nouveau apprivoisés ».

Le dépassement de soi reste un élément moteur pour Maxime. « Faire son deuil de la marche est difficile. Attention aux ‘œillères’ quand on n’a qu’une passion qu’on t’enlève ! En contrepartie, j’ai découvert énormément de choses. Je me suis ouvert sur de nouvelles activités. J’ai rencontré plein de gens et j’ai redécouvert des connaissances sous un angle nouveau. Certains ont joué un rôle très précieux à mes côtés. Je n’oublie pas ma famille, ma copine Clémence. C’est un vrai boost. Et puis un jour, j’espère me retrouver debout, pas pour courir un marathon, juste être debout à côté de mon cheval ».