Si voyager est utile à l’imagination, celle de Léo doit être fertile. Il y a quelques années, il a baroudé en Amérique du Sud, et depuis deux ans et demi, il s’est établi au Cap Vert. Non seulement il a la bougeotte, mais le modèle de société que propose la civilisation occidentale ne le fait plus rêver. « J’ai envie d’ailleurs ».

Après une prépa Lettres à Nantes, il fait Sciences Po à Rennes. « Tu retrouves beaucoup de bons élèves qui ne savent pas trop quoi faire ». Il profite d’un échange universitaire pour découvrir l’Argentine. « J’étais tombé amoureux de l’ailleurs ». Et aussi de l’Amérique Latine dont il suivra la spécialité pour son Master 2 à Paris. L’autre passion, c’est le sport. « J’ai plutôt pratiqué le foot. Ma famille suit le basket. J’aime tous les sports en général ». Conjuguer sport et voyage est pour lui le cocktail idéal. « J’ai trouvé un stage de fin d’études au Brésil au moment des Jeux Olympiques de Rio en 2016. L‘Etat de Minas Gérais voulait se faire connaître à l’occasion des Jeux. Il y avait un mix sport et relations internationales. Six mois qui sont passés trop vite. J’étais frustré ».

Rentré en France, Léo décroche un service civique auprès du Comité Olympique Français qui développe des partenariats à l’étranger. « J’ai répondu à une offre sur le Gabon, et je me suis retrouvé au Cap Vert parce que je parlais portugais. Je m’y suis rapidement bien plu ». Au terme de son année il rentre en France, commence à ronger son frein sur plusieurs mois ne sachant trop que faire. « À 25 ans, ce n’est agréable pour personne de tourner en rond, alors j’ai pris le taureau par les cornes, et j’ai retrouvé un job au Cap Vert. Depuis, je travaille pour un organisme qui développe des programmes de développement social par le sport. J’ai aussi donné quelques heures de cours à l’école française comme prof d’histoire et je fais des traductions ».

Cette mission a un caractère social. « Nous formons des gens qui viennent de milieux difficiles, ayant souvent peu d’instruction et d’opportunités, mais qui sont pleins de potentiel et qui peuvent prendre des initiatives, organiser des évènements sportifs dans leur quartier. Avec trois bouts de ficelle, on peut faire des choses sympas ». Le Covid l’éloigne un peu des terrains. « L’administratif et les budgets, ça va un temps. Je préfère retrouver les terrains où le sport est un vecteur de partage passionnant ».

Pourquoi ce goût de l’ailleurs ? « J’ai pourtant eu ici une enfance qui ne manquait de rien. D’un point de vue perso, je me sens mieux, plus stimulé à l’extérieur. Peut-être pour me frotter à une forme d’inconfort, fuir la routine qui m’angoisse un peu ? ». Léo ne fait pas trop de plans sur la comète. « Peut-être qu’un jour je me poserai ? J’ai un cousin qui est tombé amoureux en rentrant d’un voyage et qui aujourd’hui ‘’voyage différemment’’, pour reprendre son expression. On verra. ».

Ses souvenirs marquants ont toujours la marque de l’aventure. « J’ai eu l’occasion de faire une transat qui te laisse de longs moments seul avec toi-même. On regarde la mer, on réfléchit ». Et surtout, en Amérique Latine. « J’ai fait un road trip de 3 mois au départ d’Ushuaïa pour remonter jusqu’en Equateur. Des amitiés fortes se sont créées durant ce voyage. Nous avons passé 4 jours dans une communauté au Pérou où nous avons vu des ruines incas oubliées et où certains n’avaient peut-être jamais vus d’hommes blancs. Un choc, autant pour eux que pour nous. De l’histoire et de l’aventure, tout ce que j‘aime ».

L’aventure se poursuit plus au nord, du côté de Pucallpa, dans la forêt amazonienne. « Dans la jungle, sans guide nous ne tenions pas 24 heures. Nous avons fait une expérience chamanique à base d’ayahuasca. C’était une expérience et des sensations nouvelles, pour moi inconnues, entre rêve et réalité ».

Cette soif de l’ailleurs est toujours très présente chez Léo. « Sans doute également en réaction à notre modèle de société occidentale qui mène je ne sais où. Entre le profit et la domination des uns sur les autres, le cercle est vicieux ». Pour lui, ces derniers mois sont symptomatiques de ce constat. « Aujourd’hui je constate qu’il y a davantage de renfermements, de crispations. Les gens ont peur. Ça fait partie des raisons pour lesquelles je n’ai plus vraiment envie de vivre ici ».

Parfois désabusé, Léo trouve ses ressources auprès de gens qui l’inspirent, plus ou moins connus. « Sebastião Salgado, tant pour ses photos que son parcours fait de désenchantement et de renaissance. Mais aussi Nuno Delicado, un collègue de travail portugais que j’apprécie et qui m’inspire ».

La légende du colibri trouve écho chez lui. « Il ne faut pas se complaire dans un confort. Restons curieux, concernés. Et ce qui se passe ailleurs nous concerne aussi. Que chacun y aille de son petit quelque chose de mieux, comme le colibri, en pensant à soi, mais aussi au collectif ».