Saunier, archéologue, pédagogue… Yohan, passionné du marais, cumule ces différentes casquettes. Du lever au coucher du soleil, il arpente les salines, récolte le sel quand le soleil et le vent sont de la partie. Quand l’été bougonne comme en ce début août, c’est plutôt la salicorne. A l’automne ou en hiver, il faut restaurer des marais laissés à l’abandon depuis plusieurs décennies. La veillée est souvent consacrée aux recherches sur l’histoire de la commune, ses vignes et ses marais. Entre lui et le marais, c’est une idylle.

Il est arrivé adolescent à l’Ie d’Olonne, lorsque ses parents prennent la gérance du bistrot. « Sur les 140 marais salants de la commune, il ne restait plus qu’un saunier, André Raffin, 80 ans. Je me suis mis à l’aider pour comprendre le fonctionnement du marais. Tout en me disant : il y a là un vieux savoir-faire qui un jour va disparaître ». On s’interroge à la maison lorsqu’il annonce à sa famille qu’il cesse ses études de paysagiste pour devenir saunier. Ses grands-parents étaient pourtant du métier que beaucoup désertaient depuis la seconde guerre mondiale. « Non seulement, il y a un savoir-faire mais aussi un patrimoine à préserver. Beaucoup de marais à l’abandon sont ensevelis sous la vase. Il suffit de l’évacuer pour retrouver les squelettes d’argile, restaurer l’irrigation depuis le chenal… Deux outils suffisent pour faire ce métier : le bogué (pelle en bois pour creuser et taper l’argile) et la simouche (pour récolter le sel) ». Pour Yohan, l’enjeu est bien plus qu’une belle image pour en faire un poster.

Vingt ans plus tard, il est heureux du travail accompli. « Avec le recul je me dis que j’ai eu 100 % raison. Peut-être que ma plus grande satisfaction est de voir que d’autres jeunes s’intéressent aujourd’hui à ce métier. Nous sommes 7 sur la commune. J’ai un copain qui était menuisier, amoureux de la nature, qui passait tous les soirs me donner le coup de main. Julien est devenu mon associé, ainsi qu’un très grand ami ». Devenir un bon saunier est un quasi sacerdoce ? « Ce qui me plaît c’est le côté traditionnel de ce métier noble qui répète les mêmes gestes depuis plus de 1000 ans. Travailler à l’air libre, en pleine nature, tout en étant son propre chef c’est extra. Le seul patron ici, c’est le temps. C’est lui qui commande tout ».

Pour illustrer son propos, Yohan fait la parallèle avec le métier de vigneron, lui aussi millénaire sur la commune. « Tout est mécanisé sur l’ensemble du cycle ». Sans parler des traitements parfois nécessaires. « Ici nous sommes sous flux océaniques qui à la différence du Sud nous obligent à nous adapter chaque jour pour le sel. La menace de l’industrialisation est quasi inexistante. On continue donc à travailler comme avant ». Et puis cela rejoint une attente des consommateurs. « Ils aiment de plus en plus la vente de proximité. Nous développons des produits avec des sels aromatisés ou la fleur de sel que nos anciens ne ramassaient pas ».

Quand notre saunier passionné n’est pas dans le marais, il fait des recherches historiques. « Nous sommes trois passionnés dans l’association à rechercher l’histoire de la commune, mais nous avons des contacts extérieurs qui viennent enrichir nos travaux ». La géographie des salines, les rendements marais par marais depuis plus de 150 ans, tout est étudié avec minutie. « Autrefois, on ne parlait pas de dérèglement climatique, et pourtant comme cette année, il y a eu des étés très perturbés, avec des récoltes parfois inexistantes. À chaque époque il y a des périodes de stress et d’inquiétude. Ça finit toujours par se réguler. C’est à l’homme de s’adapter. On ne va pas s’arracher les cheveux de la tête. C’est comme ça ».

Yohan dit lui-même qu’il est marié avec le marais. « J’ai une vie sociale riche, quand bien même j’aime la solitude, au fin fond de mon marais ». L’apéro avec les amis ou la discussion avec les touristes maintiennent le lien dont il a cependant besoin .

Petit, il était souvent chez son grand-père épris de nature et de jardin. « Il y avait une grand-tante qui elle ne parlait que de l’ancien temps dont la culture du sel. Bien sûr que ça m’a orienté vers ce métier ». En combinant le goût des traditions avec son métier de saunier, Yohan est finalement resté dans le jardin de son enfance.

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