Vivre du miel des abeilles, c’est d’abord faire le choix d’une qualité de vie pour Quentin. « J’ai vécu plusieurs expériences professionnelles dans différents milieux. Celui-ci n’est pas le plus rentable, sauf si on considère le bien vivre comme une richesse ». Il met les mains dans les ruches depuis son plus jeune âge, chez son oncle apiculteur en Bourgogne. « J’ai grandi avec les animaux. J’ai une sensibilité animale, ce qui ne m’empêche pas d’être un carnivore ». Il a fait le choix de s’installer dans le marais poitevin à Arçais, à la limite des Deux-Sèvres et de la Vendée, près d’une écluse manuelle, dans un lieu charmant et relativement préservé pour ses abeilles.

Quentin a fait ses études dans l’environnement. Un master ERE qui, durant deux ans, l’amène à travailler dans un bureau d’études. « J’ai vite vu que ça ne me plaisait pas vraiment. C’était beaucoup de paperasse et des réunions aux quatre coins de France. Les clients étaient super contents des études. De là à concrétiser les projets… C’était beaucoup de travail mais quand il faut mettre la main au portefeuille ou accepter un moindre rendement, ça devient plus difficile. Un jour, j’ai fait la rencontre d’un moniteur de plongée qui me dit : tu devrais essayer la plongée ».

Le voici quelque temps après au Costa-Rica. « Là du coup, c’était concret. Il fallait de la pédagogie, mais quand les touristes voyaient l’état de la mer, il n’y avait plus grand-chose à rajouter. J’avais l’impression d’être plus utile à la nature que dans mon ancien boulot ». Néanmoins, il conserve un moment merveilleux lors d’une plongée au Panama. « Un requin nourrice s’est approché et il est resté avec nous toute la plongée, comme s’il était avec nous, avec un comportement sans crainte. J’étais subjugué ». Quentin part pour la Thaïlande, toujours avec l’idée de plonger. « J’ai eu un accident de scooter qui m’a obligé à rentrer en France, pour la qualité des soins, mais aussi pour la prise en charge ». Que faire alors ? « Je suis allé bosser dans un élevage d’autruches, pensant même lancer une exploitation plus tard. Là encore, accident à l’abattoir où je me suis sectionné le pouce. J’ai pu mesurer à quel point on a de la chance quand on a une main valide ». Cette nouvelle expérience l’a refroidi. « J’avais toujours quelques abeilles. Le moment était venu de me lancer malgré les découragements de mon oncle qui lui avait arrêté quelques années auparavant. Trop dur, disait-il. J’ai monté un petit cheptel de 20 ruches ; aujourd’hui j’en ai 150 ».

Le monde des abeilles reste un univers à explorer. « L’idée reçue c’est une reine par ruche. En réalité, 2 ou 3 ça peut marcher aussi. Chaque ruche a sa façon de fonctionner, son caractère. Un peu à l’image des humains. Économiquement ça ne laisse pas de largesse. Il y a des choses que j’aimerais m’offrir. Tant pis, ce n’est pas grave ». Et ce n’est pas la télé qui va l’inciter à consommer car il n’en a pas. Son loisir, c’est la chasse.

« Je n’aime pas le gibier élevé dans les parcs. Moi je chasse le canard. Il y a quelques jours, j’avais un chevreuil à 5 mètres. Pas question de tirer. J’assume pourtant cette responsabilité d’avoir du sang animal sur les mains. Ce n’est pas plus courageux de confier le travail à l’abattoir qui va te livrer la viande en barquette ».

Ce qu’il observe de la nature n’est pas toujours l’image idéale qu’on aimerait en donner. « Les animaux entre eux sont impitoyables. Il n’y a pas de place pour les plus faibles par exemple ». Il extrapole à la nature au sens plus général. « On voudrait la voir comme on l’imagine, avec le cerf au fond d’une forêt ; mais la nature c’est aussi les blattes sous le lavabo. On idéalise beaucoup. Pourtant je considère être un amoureux de la nature. A nous de nous adapter. Ce n’est pas à la nature de s’adapter à notre vision ».

Et Quentin revient à ses abeilles. « Leur comportement a beaucoup changé depuis cinq ans. Elles ont dû s’adapter. Auparavant je divisais mes ruches en début de saison. Maintenant je le fais plutôt en fin de saison ». Il apprécie la chance d’être sur cette planète. « Tous les jours je découvre des choses nouvelles pour peu qu’on prenne le temps d’observer. Pas la peine d’aller à l’autre bout du monde. Il suffit d’ouvrir ses yeux et ses oreilles ». Et lui d’ajouter un grand sourire en guise de conclusion.