Arpenter les 3 hectares et demi du château du Boistissandeau aux Herbiers est doublement ressourçant quand on le fait en compagnie de Philippe Gardin. Pour la beauté de l’endroit. Pour la personnalité du jardinier. Il a développé son projet en 2018, à l’époque où son épouse a eu un problème de santé. « J’ai quitté mon emploi au sein d’une coopérative pour l’aider dans sa convalescence. Dans ces moments-là, on réfléchit au sens de la vie, et je recherchais un projet qui fasse sens pour nous. Il ne faut pas attendre le pépin pour se jeter à l’eau ».
Avant de développer ce jardin, Philippe a eu deux projets qui n’ont pas abouti. « Pour autant, les choses germaient. Et il y a eu l’étincelle. Je connaissais bien le Boistissandeau pour m’y balader, mais aussi faire des petits chantiers avec l’association du patrimoine saint paulais à laquelle je participe. Une personne de l’asso qui connaissait ma situation et mes projets me dit un jour : « Je sais où il faut que tu t’installes. C’est là ! » En l’espace de cinq minutes, tout s’est mis à l’ordre dans mon esprit. J’ai vu exactement ce que je voulais faire ». Tout s’enchaîne alors de façon presque naturelle. « À chaque fois que j’ouvrais une porte, j’avais l’impression qu’on m’attendait. Ah, c’est toi ? On va t’aider ».
Les abords du château étaient pour partie en friche, pour partie en parc. « La population locale qui venait régulièrement le weekend a déserté le lieu. Mon projet avait du sens pour ma famille ; je voulais qu’il en ait aussi pour les gens d’ici, la population des alentours mais aussi les résidents de la maison d’accueil du Boistissandeau qui se trouve à l’intérieur du château et qui héberge des familles avec un enfant handicapé ». Et aujourd’hui il y a une vie dans les jardins. « Le principe est celui de la libre cueillette. Les gens ramassent eux-mêmes les framboises, les fraises ou les cassis. Des légumes aussi ». On y vient aussi pour la promenade. « Nous avons aménagé deux mandalas, dont l’un est entretenu par les résidents ». Philippe qui est aussi amateur d’histoire a créé un sentier jalonné d’écriteaux sur ardoise pour expliquer le passé de cet endroit magnifique.
Il installe sa petite entreprise début 2020 en pleine pandémie. « Les gens étaient confinés chez eux et moi j’avais besoin d’un coup de main. Ils sont venus à 50 m’aider. Il faisait super beau. Avec le recul, alors que le lien social était mis à mal par le virus, ici s’établissait un nouveau creuset avec du lien fort. Au point que lorsque nous avons terminé, ils me demandaient à ouvrir de nouveaux chantiers. Et c’est comme ça que j’ai pu faire plus vite que prévu les palissades des framboisiers, les toilettes sèches, etc… ». D’un contexte difficile, il a fait une situation positive.
Philippe est optimiste. « Je me dis qu’il y a des prises de conscience aujourd’hui. J’ai connu un schéma agricole. Celui-ci est différent. Il me correspond plus et il correspond mieux à notre planète et à notre humanité. Il y a beaucoup de petits porteurs de projets comme moi ».
Il aime mettre les mains dans la terre, et il raffole de la mer au point de de ne jamais rater une grande marée, quelle que soit la météo. « Je suis normand, de la Manche. Je la préfère à la côte vendéenne car il y a moins de monde. La pêche à pied est une vraie passion ». Un ressourcement même pour celui qui se souvient avoir pêché un jour sous la neige. « C’était en face Granville ; on ne distinguait plus la côte. Les iles Chausey, que c’est magnifique ! On y pêche du bouquet (grosse crevette), également le homard ».
Quand il revient à son port d’attache du Boistissandeau, il est aussi heureux. « Ma récompense, c’est de voir des gens qui se sentent bien ici et qui repartent avec le sourire. Ce virage, on l’a pris avec ma femme en 2018. Il y a eu le pépin déclencheur. Je comprends que lorsque tu es installé dans un confort même modeste, avec le salaire qui tombe en fin de mois, ce n’est pas propice à la remise en cause. Et pourtant c’est peut-être là une des sources du bonheur ? Se réaliser à travers un projet complètement pensé et organisé par toi et les tiens ».
Le message que Philippe a envie de faire passer ne se lit pas qu’en filigrane. « Nous avons connu une période sur le fil de la vie. Même si nous avions beaucoup d’autonomie auparavant, aujourd’hui le champ de nos choix personnels est encore plus vaste. Souvent on a des freins, des boulets à la patte. On se créé des peurs. Il faut les surpasser ».
Merci Jean Marie pour ce portrait tout en vérité sur le sens de la vie, de nos vies en cette période qui bouscule les certitudes établis…
Bonne continuation à Philippe avec ce beau projet bien ancré dans notre temps.
Le monde d’après est en marche…