Né dans une famille aristocrate qui le rejetait, Hubert a reçu une éducation très stricte, lui qui était plutôt rêveur. A 14 ans, on le place comme stagiaire chez le grand champion olympique Marcel Rozier, car chez les Gayard on est militaire et cavalier par tradition. Sorti du carcan familial, il goûte à la liberté, et rapidement il fera ses valises pour l’Australie ou l’Afrique du Sud. Cet homme aux mille facettes a participé à la création du Raid des Chaussées.

Dans son village de Saint Aubin des Ormeaux, Hubert est davantage connu comme Hubert Gayard de Saint André. Sans le revendiquer, il assume son statut noble. « J’ai le statut de chevalier qui est le statut le plus bas de toutes les distinctions monarchiques. Rebelle, têtu, j’étais un méchant garçon, parfois violent. J’excédais mes professeurs, mes parents et mes frères. Je suis né avec la main du diable car j’étais gaucher. On a voulu me corriger en attachant ma main dans le dos. Je suis devenu dyslexique et comme j’avais une peur bleue du monde des adultes, je bégayais.  J’avais tout pour rater ma vie. A l’école, j’étais dans la lune, les magnifiques images des livres d’histoire m’embarquaient dans des songeries. Je me prenais pour Davy Crockett. J’ai arrêté l’école à 14 ans, mais depuis l’âge de 12 ans, je n’y allais plus beaucoup. Mes voisins de classe trouvaient que je sentais le cheval… ».

Lorsqu’il sort du carcan familial, tout change. « Je me suis retrouvé avec les chevaux et tout s’est arrangé, d’un seul coup. Mon apprentissage s’est fait dans des écuries prestigieuses ». À 19 ans, il s’engage chez les parachutistes pour l’outre-mer (3eme régiment d’infanterie de marine, dans les commandos). « Petit je voulais être officier de marine. Nous habitions à Nantes, quai de la Fosse. Les bananiers et grands bateaux blancs me faisaient rêver. Au moment de m’engager dans l’armée, mon père a mis son veto (il avait le bras long) car il voulait que je reprenne la ferme familiale à Saint Aubin où nous venions le week-end et durant les vacances. C’était le rendez-vous de chasse. Je devenais son métayer, son serf. Je lui payais le fermage. Où est la noblesse là-dedans ?  Dès que j’en ai eu la possibilité, j’ai tout bazardé pour ne garder que les chevaux ».

Le jeune homme se fait très rapidement remarquer dans le monde hippique. « Non que j’aie été le meilleur cavalier, mais je montais de très bons chevaux ». Cette réputation l’amène à croiser le chemin de Jean d’Orgeix qui lui propose de faire un tour du monde à la voile. « Le projet a pris du retard. J’avais pris congé de mon centre équestre en proposant à Bruno Boisliveau, créateur des cavaliers de l’aventure, de me remplacer pendant un an. Je suis alors parti sac au dos en Afrique, du Maroc à la Côte d’Ivoire. Un jour, j’appelle un copain de St Aubin pour prendre des nouvelles. Il me dit : « Il faut que tu rentres, ton père a fait fermer le centre équestre ». Il voulait prendre possession des lieux après son divorce. J’ai compris après coup qu’il se débarrassait de moi quand, quelques mois plus tôt, il me donnait un petit billet pour mon voyage… ».

Revenu en France, Hubert remonte un club à Saint André. Expulsé de la maison par son père, l’huissier lui propose de loger dans une caravane pour rester sur place et animer le centre. Le bail de fermage le lui permet ; il préfère squatter. Les anciens propriétaires de chevaux sont de retour. Hubert remporte de nombreux concours, mais l’Afrique lui a donné le virus du voyage. « Nous sommes partis en Australie avec ma copine. J’étais bushman dans un ranch. Une vie de cowboy comme dans mes livres d’école ». Retour en France pour la naissance de sa première fille. Puis direction l’Afrique du Sud pour une nouvelle aventure de 2 ans, toujours en qualité de cavalier, et il continue d’engranger les récompenses.

Il reçoit un jour un courrier de l’Ambassade par lequel il apprend que son père est décédé six mois plus tôt. Bien que déshérité, il doit rentrer en France pour régler la succession. Le climat se tend en Afrique du Sud. Le couple décide de revenir à Saint Aubin. « J’ai travaillé quelques mois à l’usine puis j’ai ouvert un nouveau centre sportif avec équitation, mais également canoë kayak et escalade. J’ai couru entre autres le marathon des Sables dans le Sahara marocain à deux reprises avant d’être embauché par l’organisation ». Il y restera 20 ans. Il court aussi l’Annapurna Mandala Trail au Népal (organisé par Bruno Poirier), devient directeur de course du « Rêve 77 ». Il s’engage auprès de la compagnie Jo Bitume pour évoluer dans le spectacle équestre. « Les calendriers de la compagnie et du marathon des Sables s’accordaient ». Il goûte à la voile, accompagne un ami marin sur de longues croisières. Il rejoint l’association la Belle Angèle de Pont Aven. Pendant 10 ans, il sera directeur de course du Raid des Chaussées qu’il créera avec Bruno Retailleau et Jean-Louis Sarrazin. Une vie intensément riche qu’il tente de résumer dans un livre : Par monts et chevaux,  tout juste publié.

Hubert n’a jamais connu l’ennui. « Je n’ai jamais eu l’impression de travailler, si ce n’est les quelques mois à l’usine. Ma vie a été marquée par mon enfance. Il m’arrive encore d’en faire des cauchemars ». Pour autant, il apprécie la vie qu’il a eue, surtout à partir de ses 14 ans. « J’ai quelques remords, des peines de cœur qui contrastent avec une vie sentimentale intense ». Et sur le plan des convictions personnelles ? « Je suis anti-républicain, monarchiste anarchiste. Malgré mon éducation très religieuse, je ne suis pas pratiquant. Je suis dans la lignée de Saint Augustin qui disait : Assez de prières, des actes ! ». C’est ainsi qu’il œuvre à la banque alimentaire.

Aujourd’hui il retape sa maison qui a brûlé il y a quelques mois. « J’ai eu la chance que quelques photos échappent aux flammes ». Histoire de garder les traces d’une vie palpitante qu’on retrouve dans son livre.