Originaire du Bénin, Aurélien a 14 ans lorsque ses parents décident de l’installer avec ses frères et sœurs auprès de leur tante à Dakar. Son père est médecin, sa mère infirmière. Au terme d’un bon parcours scolaire, il décroche une maîtrise en sciences naturelles, le plus haut niveau au Sénégal à cette époque. Sa mère lui promet de subvenir à ses besoins s’il décroche une inscription en 3ème cycle universitaire en France et c’est ainsi qu’il arrive à Nantes pour faire un DEA à la faculté de médecine.

Son intérêt pour la pharmacochimie (extraire de la plante des principes actifs qui sont capables de guérir des maladies) remonte à son enfance : « Ma grand-mère me soignait à ‘plein champ’. Pour une plaie, elle pressait des herbes pour en tirer le jus qu’elle appliquait sur la lésion. Elle faisait aussi des infusions pour soigner une bronchite par exemple ». Cette connaissance ancestrale transmise de génération en génération ne s’oppose par pour lui à la médecine conventionnelle. « Ce sont des pratiques complémentaires. Je voulais pouvoir expliquer scientifiquement les principes actifs des plantes ». De façon précise dans son esprit, il entend retourner à Dakar quand les études seront terminées.

Les ressources de la maman ne sont pas suffisantes pour financer les études. « Nous étions six enfants à charge ! » Aurélien cherche un emploi et postule pour un poste de maitre d’internat : « Je pensais ainsi poursuivre mes études tout en travaillant le soir. Il y a eu beaucoup de candidats et je n’ai pas été retenu. Mais le directeur de l’établissement m’a rappelé en me proposant de remplacer au pied levé un professeur de maths qui faisait faux bond à 3 jours de la rentrée. C’est ainsi que j’ai été happé par le monde de l’enseignement ». Transmettre le savoir lui plaît énormément : « Je me donne alors tous les moyens pour y parvenir. Ce sera long. Sur le plan administratif, il faut que je sois français. Et pour enseigner je dois décrocher le concours ! Un collègue me fait remarquer que le Bénin (qu’on appelait Dahomey à l’époque) était sous influence française jusqu’à son indépendance en 1960, et que la Loi me permettait de réintégrer la nationalité française. Ce que j’ai fait ». Aurélien décroche le diplôme CAER (l’équivalent du CAPES) pour être titularisé après 9 ans déjà passés dans l’enseignement.

« J’ai embrassé ce métier qui m’a permis de trouver un équilibre, un épanouissement certain. A l’université j’étais admiratif de certains professeurs doués pour transmettre le savoir. Pouvoir le faire à mon tour me passionnait. Quand tu vois les yeux d’un élève qui vient de résoudre une équation, un problème, c’est une énorme satisfaction. J’y ai droit quasiment tous les jours ».  L’environnement du métier change, notamment avec des interventions tous azimuts des parents : « Lors d’un conseil de classe, l’influence des parents est prépondérante pour un passage au niveau supérieur, même si l’avis du professeur est plus que réservé ».

Le regard des autres ne lui a jamais posé problème : « Je n’ai jamais eu à affronter de propos déplacés ; j’ai un bon feeling avec les élèves » souligne-t-il avec un large sourire convaincant. « J’ai eu la chance d’avoir été accompagné par de très bons collègues ; j’ai conservé des liens quasi familiaux avec l’un d’eux. Le monde du travail est intégrateur pour un étranger, à condition de le vouloir. C’est un contrat à deux » et de poursuivre : « l’équilibre affectif, je l’ai trouvé avec ma compagne, Cécile. Ma plus belle satisfaction ? Voir ma fille Manon s’épanouir après une période plus difficile. La pandémie ? elle a touché tout le monde, mais on va s’en sortir. Je m’inquiète davantage de l’éclatement de la cellule familiale dans la société. Les enfants ont besoin d’un cadre, d’une autorité. Je constate dans mon métier un effritement de ces limites pourtant indispensables… » Aurélien demeure par tempérament optimiste, avant de déclencher un nouvel éclat de rire bien contagieux.