Il a l’œil qui pétille, souligné par un franc sourire. Né en Ethiopie, Antonin a été adopté à l’âge de 3 ans et vit aujourd’hui comme un jeune de 25 ans, passionné par l’automobile et friand des soirées avec ses copains, tout juste un peu fâché par le contexte sanitaire actuel. Son dossier d’adoption mentionne que ses deux parents biologiques sont décédés, qu’il a été recueilli dans la rue… »

Antonin pensait avoir ça derrière lui, et pour toujours. « Jusqu’à ce que je rencontre Rebecca Payot, elle-même adoptée. Elle propose le retour aux origines et quand c’est possible, les retrouvailles avec la famille biologique. Je demeurais un peu sceptique jusqu’au jour où j’ai découvert sur la page Facebook de l’organisme, un avis de recherche avec une photo de moi. C’était le 5 décembre 2019 à 22 heures. J’étais tétanisé, tremblant durant plusieurs minutes. Malgré des données erronées (c’est un classique dans les procédures d’adoption) j’étais sûr que c’était moi sur la photo. « Je suis cet enfant ; contactez-moi » ai-je envoyé aussitôt comme message ». L’administratrice de la page Andréa Kaye lui répond et le met en relation avec sa sœur Sinidu dont il ignorait l’existence. « Elle m’apprend que nos parents (68 et 66 ans) sont vivants, même si papa est fatigué, que j’ai 3 autres frères. Maman a fait un malaise quand elle a su que je m’étais manifesté. Il fallait se dépêcher pour aller les voir ».

Une fête assez spontanée se met en place à la Gaubretière autour du « dorowot » le plat typique du pays. « Il y a beaucoup plus de monde que prévu et cela m’aide ainsi à supporter les frais de voyage ; je prévois y aller avec mon amie Audrey et une traductrice dès le mois de novembre 2020. Patatras, le virus contrarie mes plans ; le vol est reporté en janvier 2021. Difficile à vivre tout ça, mais ça me laisse un peu plus de temps pour ma préparation psychologique, mais aussi physique ou encore, l’apprentissage de quelques bribes d’Amharique, la langue nationale. Mes parents adoptifs m’encouragent à 100% dans mes démarches ».

« Durant les minutes qui précédent les retrouvailles, j’ai beaucoup d’appréhension et me pose de multiples questions. C’est ma sœur qui est arrivée la première, tombant dans mes bras. Tout s’est passé très naturellement au final. C’était intense, et ma famille a su mettre quelques bribes d’humour pour détendre l’atmosphère. Cette posture m’a beaucoup plu. Là-bas, on m’a dit que ma mère avait retrouvé le sourire qu’elle avait perdu depuis plus de 20 ans… »

Le séjour s’est étalé sur 15 jours, avec beaucoup de visites familiales, des repas, des fêtes. « C’était aussi l’occasion d’éclaircir des zones d’ombre pour moi comme pour mes parents, surpris que je ne me sois pas manifesté plus tôt, mais moi je les croyais morts ! J’ai aussi compris qu’on avait abusé de leur confiance : ils connaissaient des difficultés financières et on leur disait que l’adoption durerait le temps de l’éducation, puis je reviendrais… Quelques années plus tard, ils apprennent que je suis en France, avec un autre nom, mon âge a été modifié… tout a été fait pour falsifier la vérité ».

« Ce visage de l’adoption est très décevant, même si aujourd’hui je suis apaisé car je sais. Dès que j’en ai la possibilité, je veux refaire le voyage avec mes parents adoptifs et créer une asso pour aider l’école où je serais allé si j’étais resté au pays. Quand on est adopté, il ne faut jamais se sentir coupable et ne pas dénigrer sa famille adoptive sous prétexte qu’on recherche sa famille biologique. Tout le monde a été floué dans cette histoire, comme dans beaucoup d’autres ».

Même si l’injustice le révolte, Antonin n’a pas de rancœur. C’est un bon vivant. Supporter du PSG, il adore aussi la pêche où il se retrouve avec lui-même. C’est aussi un Alfiste : « Les lignes me plaisent ; je ne me vois pas rouler autrement qu’en Alfa ! Ah si, avec la crise sanitaire, j’ai commencé un jardin ! Et puis je me balade un peu plus : la nature est jolie ! »