Il affiche un calme olympien et un sourire à vouloir en faire un ami. On l’imagine à peine bastonner, seul avec les éléments, au milieu de l’Atlantique, à la lutte avec les meilleurs compétiteurs que compte la course au large. Humilité à terre, ténacité en mer. Une détermination qui propulse Xavier vers ses rêves tout en gardant les pieds sur terre.
C’est en Méditerranée qu’il goûte aux plaisirs de la voile. « Mon papa avait un petit bateau de croisière qu’il utilisait pour la balade ou la pêche. Lui n’était pas régatier alors que moi je me suis vite piqué au jeu : tirer des bords, régler les voiles, tenir la barre… ». Tout ce qui relève de la maîtrise et des capacités du bateau le fascine. « J’ai été assez vite repéré dans mes stages à l’école de voile, ce qui m’a ouvert les portes des premières régates régionales ». Xavier a le sens des éléments, et en dépit d’un cursus peu classique, il lorgne sur le haut niveau. « J’ai intégré l’équipage du bateau de Bandol sur le Tour de France à la voile ; une vraie révélation ! J’ai tout de suite eu envie de plus ».
Sa passion guidera son orientation. « Après la seconde, j’ai basculé sur un CAP BEP en menuiserie et charpente marine ». Il travaillera sur plusieurs chantiers navals en Méditerranée. Il rêve de Mini Transat. « Mon projet n’était pas suffisamment mûr pour me lancer à 20 ans et convaincre les partenaires et banquiers ». En compensation et à moindre frais, il achète une paire de baskets et un sac à dos pour traverser la France à pied, d’Aix en Provence à Coutainville. « Un peu fâché de ne pouvoir faire ma Transat, ça été mon voyage initiatique ». Deux mois et 10 jours plus tard, comblé par cette expérience de vie hors des sentiers de la voile, il rebondit plus fort.
Alors qu’il est toujours charpentier de marine, il déménage de Marseille pour venir à la Rochelle. « C’est là qu’un entraîneur du pôle France nous propose ,avec un copain, de nous entraîner avec les skippers qui se préparaient pour les JO. Nous, on voulait juste progresser en les observant ». Construire les bateaux c’est bien, mais Xavier préfère encore être à bord. « J’ai passé mon Brevet d’Etat d’éducateur sportif à 27 ans. L’idée de la mini Transat m’animait toujours. Avec le soutien financier de mes proches, j’ai pu acheter mon Pogo 2, un 6,50 m. et j’ai commencé la course au large en solitaire ». Son rêve se concrétise, et son ambition le pousse à regarder plus loin.
Il fait ses deux premières années en Mini 6.50 avec des ‘cacahouètes’, puis trouve un sponsor pour la troisième. Xavier est vainqueur de la Mini Fastnet en 2010. Avec son pote, ils décident d’acheter un Figaro 2 avec la vente de leurs Minis. « C’est ce qui m’a permis de basculer sur le Figaro reconnu plus professionnel, où je décroche une envieuse 10ème place dès ma première participation ». Il se fait remarquer, chipant aux stars de la voile des places sur le podium. « J’ai intégré une sélection soutenue par le département de l’Hérault pendant quatre ans, avec des entraînements à la Grande Motte ». Un épisode couronné par un titre de Champion de France en 2015. « Cela m’a permis de trouver de nouveaux sponsors ». Au total, il comptabilise 11 Figaro à son actif et monte 3 fois sur le podium.
En 2016, Xavier choisit les Sables comme port d’attache. « Pendant quatre ans, je faisais les déplacements entre le Charente et la Grande Motte. Les Sables d’Olonne Agglo me soutiennent désormais. C’est en toute logique que je viens ici, en ayant tout sur place : ma famille, un réseau, c’est vraiment chouette ». Et un nouveau partenaire, le groupe SNEF, lui permet d’investir l’étage supérieur de la course au large. « Une nouvelle aventure avec un nouveau bateau, un Classe 40 qui me verra prendre le départ de la Route du Rhum et de la Jacques Vabre ».
Peut-être un jour sur le Vendée Globe ? « Cela m’intéresse, évidemment, mais je ne veux pas brûler les étapes. Je suis déjà très content d’avoir la confiance renouvelée de mon sponsor sur plusieurs années. Avec lui, on a fait des choix différents. Alors j’y vais ‘step by step’. Mais je sais que je suis capable de faire le tour du monde ». Une épreuve qui compte sur une même ligne de départ compétiteurs et aventuriers. « La course rassemble toujours ces deux profils de marins. Il est faux de considérer que les navigateurs des premières éditions étaient tous des aventuriers. Ils étaient d’abord performers, même si aujourd’hui leurs vieux bateaux peuvent sembler has-been ». Une discipline sportive où la technologie a beaucoup évolué. « Hier comme aujourd’hui, il y a ceux qui aiment le frisson et l’émotion à côté de ceux qui privilégient le très haut niveau, la performance ». Xavier est de cette famille des techniciens performers.
Ce qui ne veut pas dire qu’il échappe aux émotions ou aux frayeurs. « Je crains autant les accidents quand je prends ma voiture que sur mon bateau ». Sur l’eau il reste cependant méfiant. « Je me suis trouvé un jour avec un rouleau de câble coincé dans le safran ; j’ai eu peur de tout casser. On a souvent la peur au ventre de heurter une bille de bois ou un container, notamment sur les courses en multicoques où la vitesse est importante. Je me souviens aussi d’un frigo qui flotte à mes côtés sur la Mini Transat. Les OFNI, oui, il faut faire gaffe ». Xavier a cette réputation de bien négocier les éléments. « Ce n’est pas la joie d’aller se faire bastonner par des conditions météo musclées, mais j’ai la réputation de bien me sortir de ces situations ».
Des situations houleuses où il s’accroche à la barre. « Ça veut dire des heures sans sommeil ». La gestion de la récupération est capitale pour le compétiteur. « Sur une course de 6 jours et demi Les Sables-Les Açores-Les Sables, j’ai dû dormir 7 heures. Les conditions m’obligeaient à tenir le spi et rester à la barre. Jusqu’au moment où j’ai eu des hallucinations ; je voyais deux mecs avec moi sur le bateau alors que j’étais en solo. J’étais allé trop loin dans le manque de sommeil. J’ai dormi une heure et je suis reparti huit heures à la barre. Mais j’adore. J’ai gagné la course ». Son mental est d’acier. « Je combats plus avec moi-même qu’avec mes concurrents. La seule chose sur laquelle je peux agir, c’est ma course à moi ». Il ne néglige pas la préparation mentale. « J’y travaille davantage depuis 2 ans : sophro, PNL, auto hypnose…autant d’outils précieux. Par exemple, tu peux programmer ton mental pour récupérer 40 minutes de sommeil en 15 minutes ! ».
Son année marquante est celle où il ajoute son nom sur la coupe du Championnat de France aux côtés des Desjoyeaux, Parlier, Poupon… « C’était en 2015 ; c’est aussi l’année où sur l’eau je gagne la Solitaire du Figaro, mais suite à la réclamation d’Eliès, je suis pénalisé d’une heure pour avoir passé une bouée du mauvais côté. Rien n’était écrit dans les instructions de course ; le truc très dur à avaler. Alors ce titre de Champion est venu remettre les pendules à l’heure, après m’être bagarré avec Charly Dalin jusqu’au dernier moment ».
Quand il pose le pied à terre, Xavier a juste envie d’être Monsieur Toutlemonde, passer du temps avec ses enfants. « J’ai la chance d’avoir un métier passion, mais je me sens citoyen du monde, Sablais, Olonnois ». Le monde actuel le rend perplexe. « Les problématiques ne manquent pas et la guerre en Ukraine vient s’y ajouter. Notre mode de vie est trop énergivore ; on le sait. A mon niveau, je ne vois pas ce que je peux changer, tout en sachant que cela ne sera pas éternel ». Ses proches l’inspirent, sa compagne, ses enfants, son coach Etienne, son préparateur mental Damien. « Si j’ai une croyance, c’est celle de la nature avec cette force qu’elle représente. Oui, ce qui me guide aujourd’hui c’est la compétition, la performance, mais je n’oublie pas qu’à la base, intrinsèquement, c’est la nature qui a fait naître tout ça en moi ».
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