Petit, il rêvait de vacances scolaires non pas pour piquer une tête, mais pour filer à la cabane de son père, à l’atelier ostréicole du pittoresque port des Champs, à Bouin. Baptiste n’a pas imaginé une seconde faire un autre métier. Il a d’abord travaillé avec son père avant de reprendre sa succession. Il vient de décrocher une médaille d’or au Salon International de l’Agriculture de Paris pour sa cinquième participation. Une reconnaissance qui lui apporte de la satisfaction et une notoriété appréciable pour ses huîtres.

Ce métier qui peut faire peur de l’extérieur est pour lui un job agréable. « Moi,  j’aime ça. Il y a plein de métiers que je ne ferais pas. On est dehors tous les jours. C’est plus difficile quand le temps n’est pas de la partie, mais il y a les très belles journées. » Ses parcs sont à une distance allant de 2 à 3 kilomètres de la côte. « J’ai aussi des parcs du côté de la Bernerie-en-Retz où on peut accéder plus facilement. »

Baptiste achète ses huîtres aux différentes nurseries de Bouin. « Elle fait 6 mm quand on l’achète ; elle a déjà 3 ou 4 mois. On la passe en mer. Et à partir de ce moment-là, on va l’élever pendant deux ans et demi ou trois ans. Cela signifie qu’il faut la brasser régulièrement, pour corser et arrondir la coquille. En faisant ça, on bride l’huître. Elle va faire un gros nerf et développer sa chair. Elles seront un peu plus dures, un peu plus rondes. C’est du boulot, mais c’est synonyme de qualité. » Un travail qui demande une importante surveillance. « Les huîtres qui ne sont pas assez belles, on les laisse en mer. »

Il sait différencier à l’aveugle une huître de chez lui, en Baie de Bourgneuf, d’une huître pleine mer de Bretagne ou de Normandie. « Le goût est différent. Elle n’a pas le même aspect, ni le même taux de chair, ni le même goût selon la nourriture qu’elle va trouver. En terre, on parle ‘terroir’, en mer c’est le ‘merroir’ qui caractérisera l’huître. » Une singularité qui n’a pas échappé au jury du SIA à Paris. « On n’y va jamais avec la certitude d’une médaille, mais nous avions eu l’argent en 2019 et 2020. On savait qu’on n’était pas loin. » Il ne se repose pas pour autant sur ses lauriers. « J’aime bien me remettre en question. L’objectif, c’est de maintenir de la qualité. »

Baptiste compte peu de temps pour lui-même. « Je commence à travailler le lundi matin et je termine ma semaine le dimanche à 15 heures. » Les samedi et dimanche seront consacrés aux marchés. « Les marchés, c’est plus du tiers de notre production. Un autre tiers est réservé aux expéditions de Noël. Le reste se répartit entre le gros et la vente au détail. Je préfère écouler le plus possible en direct. » Disposer d’aussi peu de temps ne le soucie guère. « C’est juste plus dur de concilier le boulot et la vie de famille. Maintenant que j’ai passé 40 ans, je vais essayer de m’octroyer un peu plus de temps pour mes enfants de 4 et 8 ans. Ma femme est aussi indépendante, dans l’esthétique. On a besoin de passer du temps ensemble. »

Un métier à l’écart du monde. « Travailler dehors est un luxe. De surcroît avec du vivant. On l’a bien vu pendant le confinement. On est hyper chanceux de travailler dans de telles conditions. » Il comprend que les gens les regardent travailler avec un air interrogatif. « Dans ce monde de fous, on fait figure d’extra-terrestres à travailler avec nos mains. Les gens sont déconnectés de la réalité. » Lui se plie aux lois de la nature. « On n’a pas la main sur nos huîtres. On ne peut pas agir. Elles sont élevées en milieu ouvert, se nourrissent seules. En cas de maladie, on ne peut ni les soigner, ni les nourrir. Elles s’en sortent de façon autonome. » Une règle du jeu qu’il accepte. « Il faut faire avec les aléas de la nature. Trop de gens en sont déconnectés . Moi, ça me plaît, cette forme d’incertitude. C’est la vraie vie ; il faut l’accepter avec des années médiocres , d’autres meilleures. »

Baptiste apprécie les choses simples. « Je trouve que la vie est belle à faire le métier que j’aime. Je n’y viens jamais à reculons. Je suis en bonne santé, mes proches aussi, c’est ce qui compte. On a eu malheureusement des expériences dans la famille où on a perdu des proches. La santé, être bien entouré, c’est primordial ; le reste,  c’est du superflu. »