« Vivons heureux, vivons cachés ». Henri fait partie de cette génération des taiseux et ne souhaite guère qu’on parle de lui. Il est pourtant intarissable lorsqu’il évoque sa passion : la recherche de trésors. Mais il prend moultes précautions. « Un trésor, tu as le droit de le trouver ; pas de le chercher ». À 88 ans sa mémoire n’est pas altérée. « Y’a que la langue et la tête qui vont à peu près bien ». Une blague pousse l’autre. « Je n’aime pas voir les gens tristes ».
Il sera l’aîné d’une famille de 11 enfants et exploitera la ferme familiale avant de s’associer avec son cousin en GAEC, sur la fin de sa carrière. Une vie de labeur ? « Fallait pas rester à rien faire » Célibataire, il habite aujourd’hui le bourg de la Guyonnière, avec sa sœur. Depuis qu’il est à la retraite, il ne peut plus se séparer de son pendule. « Un sourcier est venu un jour à la ferme ; j’ai pris son ‘fourché’ et ça a marché. J’avais 57 ans. J’ai eu peur qu’autour de moi les gens disent que j’avais la tête qui tourne. Les premières fois que j’ai été appelé, je ne faisais pas le fier. J’avais peur de faire engager des frais pour rien. Avant, je me foutais un peu de la goule des autres… ».
« J’pourrais pas tout t’expliquer, ça me dépasse ! ». La malice serait presque plus évocatrice. « Tu vas pas t’endormir avec moi ». Je suis prévenu. « J’ai commencé sur le canton de Montaigu, promenant mon pendule sur une carte. Un trésor a été trouvé en 1815 ; cela a donné lieu à une grande fête. Voyant la tournure des évènements, un des fermiers a pris soin de le cacher. Il est mort le soir même où le lendemain sans avoir dit où il l’avait caché ». Vous êtes sûr ? « C’est moi qui me mets dans la tête que ça doit être ça… ». Son regard est plus explicite. « Je suis le seul à connaître l’endroit précis, mais le terrain ne m’appartient pas ».
Il y a peu, on l’a appelé sur la commune des Epesses. « Lors de la révolution, le prêtre non jureur sentant le danger approcher a caché la porte du tabernacle en or. Sur la carte, mon pendule tournait toujours au même endroit. En allant sur place on a vu que l’emplacement correspondait à celui de l’ancien cimetière ». C’est peut-être un autre objet ? « Je ne suis pas infaillible, mais… ».
Plus drôle encore lorsqu’il évoque ce monsieur qui vient le solliciter. Il a entendu parler d’un ancien trésor laissé par les neveux de Charles X dans un ancien relais de chasse. « Je l’ai trouvé, pas dans la ferme où il m’indiquait ; pas très loin, à proximité d’un petit bois. Ce monsieur a disparu de la circulation depuis…Comme par hasard, mon pendule ne tourne plus sur son emplacement ; je suis sûr qu’il l’a trouvé ».
A défaut de certitudes, Henri met à profit sa passion pour retrouver l’histoire des lieux, jamais anodine. « On m’a parlé d’un trésor de guerre laissé par les anglais. D’ici qu’il soit sous une grosse pierre que j’ai repérée, qui n’a pas sa place naturelle là où elle est…C’est vrai que tout ça m’amène à m’intéresser à l’histoire, mais je peux raconter des idioties aussi ! ». Comme ce cimetière qu’il peut situer au mètre près, à proximité d’une ancienne maladrerie non loin de chez lui. « Les sépultures sont très profondes ; c’était l’époque de la peste ».
Le personnage est facétieux. « Je ne me prends pas pour quelqu’un d’extraordinaire. C’est juste un don. Je suis aussi magnétiseur, mais je n’interviens que sur des petites blessures comme les entorses. Je ne vais pas en pleurer quand même ? ». L’actualité l’inquiète-t-elle ? « Je n’arrive pas de suivre. Le Moyen-Orient, je ne comprends plus rien. Je ne vais pas me mettre à faire la révolution à 88 ans ? ». Sa matinée est consacrée essentiellement à la lecture du journal. « Surtout la page des jeux ; j’essaie de tout faire, du sudoku aux mots fléchés ». Il a le don de regarder seulement le bon côté des choses. « En Algérie j’étais dans un bon régiment ; je n’ai pas connu de gros affrontements, même s’il fallait rester prudent ».
Il y a quelques années, il chantait encore avec le chœur paroissial. « Aujourd’hui ma voix me fait défaut pour chanter. Mais j’ai gardé la même place pour la messe ». Son chanteur favori ? « Gérard Lenormand et sa ‘La balade des gens heureux’ ». Comme une évidence.
Bonjour
Très belle article
Merci