On peut envoyer quelqu’un sur la lune sans pouvoir démontrer scientifiquement comment un pigeon voyageur rentre au bercail après avoir parcouru plus de 1000 kilomètres ? Stephan a beau être passionné, pas plus qu’un autre, il ne détient la réponse. Cet instinct est appliqué au service de causes inattendues : pour suppléer des réseaux déficients en temps de guerre, pour le transport sanguin, pour repérer des naufragés sur les mers… L’activité colombophile est particulièrement présente dans le Nord de la France. Lui fait partie des 250 colombophiles de la région.

Résidant à Mortagne sur Sèvre, Stéphan est né et travaille à Cholet. « Je cumule plusieurs casquettes autour de l’animation : au lycée Jeanne Delanoue, à la piscine de Mortagne en tant que surveillant de baignade. Je suis également animateur à la Fabrique de Mortagne auprès des 15-22 ans et j’entraîne au foot les U6 U7 à Saint Laurent ». Un emploi du temps qui correspond à celui d’un sportif hyper actif occupé 7 jours sur 7. « J’ai fait du taekwondo à haut niveau à l’école Alain Mollet bien connu à Mortagne et j’ai fait du foot. Désormais, c’est plutôt natation et triathlon ». Auprès des maîtres-nageurs il découvre l’animation. « Ce que j’ai appris, je le partage aujourd’hui ». Le don d’ubiquité peut-être ? « Il ne faut pas oublier ma plus grande passion depuis 42 ans : le pigeon voyageur ».

Rien à voir avec le pigeon des parvis d’églises. « Les pigeons voyageurs sont plus à rapprocher du monde du sport équestre, des compétiteurs capables de parcourir plus de 1000 kilomètres en une journée ». Un pigeon lâché à Marseille à 7h30 peut arriver sur les bords de Sèvre à 14h22. « Tout dépend du vent : de 60 à 80 kms par heure avec un vent de face ; jusqu’à 130 kilomètres avec un vent de fesses. C’est comme une course de vélo ; ils peuvent voler groupés, puis franchir seuls la ligne d’arrivée ». Stephan pratique en amateur, mais dans le monde professionnel, il y a un marché qui donne le tournis. « Certains pigeons peuvent valoir jusqu’à 1 600 000€ ».

Le pigeon revient toujours à l’endroit où il est né. Les compétitions voient accourir des passionnés. « J’ai vu des lâchers avec 200 000 pigeons, l’équivalent de 24 semi-remorques, presqu’un train entier ». Avec un seul objectif : rentrer au plus vite à la maison. « Les aléas peuvent être nombreux. L’altitude quand il faut franchir les Pyrénées à plus de 3000 mètres en venant de Barcelone. La météo quand le pigeon contourne une masse orageuse. Il baissera pavillon si le brouillard se lève ». Plus surprenant, Stephan travaille leur motivation. « Avant d’emmener la mère au point d’envol, je peux lui montrer un œuf bêché, prêt à éclore, quitte à utiliser un ver dans un œuf plastique. Pensant à son petit qui va arriver, la mère en vol met les bouchées doubles ». Autre astuce : Les graines imbibées d’eau qu’il leur donne 48 heures avant un départ. « Ça peut gagner une ou deux pauses sur un point d’eau. Ce sont des astuces qui m’ont été transmises par des anciens. Elles sont parfois tenues secrètes, moi je préfère partager ».

L’organisation des concours se fera une fois la période de chasse terminée (!). « Je fais des compétitions tous les weekends, du 15 avril à fin juillet. Je suis président du club la Colombe créé en 1890 ». Le grand rendez-vous de l’année est la course d’Osnabrück en Allemagne, qu’il n’hésite pas à comparer au Grand Prix d’Amérique pour les turfistes. « Ça reste amateur avec des petites dotations. Mais dans le Nord, les prix pour les vainqueurs peuvent être très élevés, plusieurs dizaines de milliers d’euros. Il y a un marché soutenu par les Emirats Arabes, le Japon, la Hollande ou la Belgique ».

Son ami colombophile Gilbert Villeneuve des Herbiers a gagné le ‘Marseille International’. « C’est un des 250 soigneurs en Pays de la Loire. En France, nous sommes 15000, dont 10 000 pour le Nord-Pas-de-Calais ». Stephan compte 100 pigeons qui lui prennent 10 minutes le matin pour les nourrir. « Le soir je leur fais faire une volée, à jeun. Quand je les siffle, ils rentrent à la queue leu-leu dans le colombier ».

Le réflexe pavlovien peut prendre d’autres formes. « Près de la Manche, on entraîne les pigeons avec la couleur orange de façon qu’ils repèrent les naufragés ou les migrants lorsqu’ils traversent. On les entraîne avec de la nourriture près d’un drapeau orange. Cette habitude créée, ils foncent dès qu’ils voient du orange avec une caméra flanquée au jabot ». Une méthode similaire existe pour surveiller les dégazages de pétroliers. « On utilise aussi le pigeon pour le transport sanguin comme on le faisait entre l’Ile d’Yeu et l’hôpital des Sables où, il y a encore 15 ans, il y avait un colombier. Ce dispositif existe toujours à Avranches, ou encore dans des grandes villes comme Londres ou Bruxelles, pour éviter les retards liés à la circulation ».

Des applications inattendues que Stéphan aimerait développer à des fins pédagogiques dans les écoles du coin. « L’idée c’est de proposer à un élève de rentrer avec un pigeon le soir, équipé d’un mini sac à dos contenant une clé USB. Le lendemain matin, le pigeon se pose à l’école avec la dictée ou l’exercice de maths du jour ». De quoi stimuler les élèves.

Cet hyperactif ne s’imagine pas vivre sans ses pigeons. « Sans eux, je ne serais pas bien dans ma tête ». Stéphan est marié, papa de deux enfants. « Ma femme a un tempérament à l’opposé de moi. Nos façons de vivre s’accordent super bien ». Profondément optimiste, il se montre préoccupé par le conflit en Ukraine. « Ajouté au Covid et à la grippe aviaire, c’est compliqué. Mais il faut continuer à avancer. Et puis ma passion me libère des tracas ». Vivre sainement et donc sportivement est une priorité à ses yeux. « Je nage, je cours, je fais du triathlon. Et j’aime la pêche ! ». Son besoin de peu de sommeil lui donne des journées à rallonge. « Je n’ai besoin que de trois heures pour récupérer. Je suis debout à 6 heures tous les matins ».

Il ne se considère pas comme quelqu’un à part. « Il y a plus passionné que moi chez les colombophiles. Je me débrouille, mais il y a de plus grands champions que moi ». Avant d’arborer un grand sourire. « Quand on est positif dans la vie, on voit les choses différemment ».

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