Déambuler dans une ville ou une église avec William oblige à lever le nez. Médiateur culturel, il est fréquemment sollicité (comme lors de l’émission ‘Des Racines et des Ailes’ consacrée à la Vendée) pour partager son érudition et un regard aussi délicat qu’exigeant sur un lieu. Il fréquente les archives départementales depuis l’âge de 12 ans. À ses yeux, le savoir n’a de valeur que s’il est partagé, transmis, pas seulement comme un apport de connaissances supplémentaires.

C’est en allant au-devant des gens qu’il combat une forme de mal-être à l’adolescence. « J’ai eu envie de contrecarrer mes appréhensions relationnelles avec les gens en leur commentant des visites guidées en calèche dans le centre-ville de La Roche-sur-Yon. J’avais 14 ans. J’éprouvais le besoin de me prouver que j’en étais capable. » Il obtiendra un Bac littéraire avec latin et grec, lorgnant par la suite sur le tourisme. « Je me suis surtout structuré par moi-même, par la recherche et l’écriture. » Ses interventions médiatiques lui ouvrent des portes. « Cela m’a permis par exemple de publier un livre sur Fontenay-le-Comte, puis de travailler pendant presque trois ans au château de Terre-Neuve. »

William est médiateur culturel indépendant. Il est également attaché à l’accueil et à la billetterie du Grand R, la scène nationale de La Roche-sur-Yon. C’est son emploi principal. « J’ai fait aussi de la diffusion pour une compagnie théâtrale. Entre la carte ‘spectacle vivant’ et la carte ‘médiation culturelle’, il y a des passerelles. »

Né en Vendée, il a une partie de ses racines en Bretagne. « Je musarde dans tout le Grand Ouest, le Centre Val de Loire, même si c’est en Vendée que se concentrent mes travaux en ce moment. » Où qu’il se trouve, la question du lieu l’obsède. « Je suis un homme des territoires. Mon objectif est de créer un lien entre le lieu et les personnes qui s’y trouvent. » De façon instinctive, il radiographie l’espace où il se trouve. « Je complète toujours avec des sources d’archives. Pas question de faire quelque chose qui ne soit pas rigoureux scientifiquement. La question alors, c’est de savoir comment je vais raconter l’identité du territoire ou du patrimoine aux gens. »

Sa notoriété ne l’amène pas à s’asseoir sur les lauriers de la reconnaissance médiatique. « J’aime remettre en cause ce que je sais. Le jour où je n’arriverai plus à transcrire une émotion, positive comme négative, sur un lieu, à ce moment-là, il faudra s’arrêter. Mais je n’en suis pas là. » L’indifférence, le pire des maux à ses yeux. « Plus qu’un apport de connaissances, ce que j’aime, c’est faire ressentir des choses par rapport au lieu. Je préfère qu’ils me disent qu’ils n’ont pas aimé. Ça veut dire qu’ils ne sont pas indifférents à ce qu’ils ont vu. »

Nombreux sont ses coups de cœur en Vendée. « Noirmoutier en février. Je fais le tour de l’île dans le sens inverse des aiguilles pour terminer au coucher du soleil sur la côte sauvage. J’aime les ciels laiteux d’hiver. La Guittière est un incontournable, aussi pour ses huîtres. » Il aime enfourcher son vélo pour se promener dans les terres. « Vouvant, Mervent, Saint-Maurice-des-Noues… Le Sud Vendée. Fontenay mérite plus que la réputation qu’on peut lui donner parfois, cette ville assez irréelle dans ce département, un monument en elle-même, avec un patrimoine Renaissance et une histoire ouvrière intéressante au gré des ouvertures et fermetures d’usines ». Un territoire aujourd’hui en pleine recomposition économique qui retrouve une forme de vigueur.

William n’aime pas l’approximation. « Par le prisme médiatique, on peut penser que je suis amoureux de ma ville et de mon département. Je les apprécie, évidemment. Pour autant, j’essaie toujours de prendre du recul. » Il élargit le spectre pour mieux comprendre les tenants et aboutissants d’un évènement. « Dans un département comme la Vendée, si l’histoire est racontée seulement sur le plan émotionnel, elle aura tendance parfois à cloisonner plutôt qu’à révéler la réalité. »

Y compris avec le contexte actuel, il aime prendre quelques pas de recul pour mieux analyser la situation. « Les bandeaux d’alerte et une information qui va se répéter 15 fois à l’heure sur une chaîne d’infos ne peut produire autre chose qu’un sentiment d’anxiété. Si on remet les choses en perspective, ce flot d’informations permanent tenait dans une brève qu’on lisait autrefois seulement le lendemain. C’est l’image qui prime sur la compréhension des évènements. » Il s’interroge. « Pour la première fois dans l’histoire des pays européens, on a traversé une période de plusieurs décennies sans la guerre. Les générations d’autrefois étaient plus exposées ; on a peut-être perdu une forme de culture du risque en pensant que l’histoire ne pouvait plus se répéter ? » Il n’échappe pas à certaines inquiétudes. « C’est normal, mais je pars du principe que si je m’inquiète plus que de raison, est-ce que ça va me faire mieux vivre la situation ? Pas sûr. »

Le meilleur moyen de mettre en mode ‘pause’ son regard radiographique quasi permanent quand il se promène, c’est de goûter à la nature. « Depuis peu de temps, je pratique le jardinage dans un jardin partagé, sur les bords de l’Yon. Gratter la terre et planter des légumes, ça m’amuse. C’est une façon de dépendre moins des magasins et c’est un loisir physique, avec la satisfaction de faire pousser quelque chose. Ça me plaît énormément. »

Il tient sa façon d’être de son éducation. « C’est très important d’avoir conscience qu’on ne se construit jamais tout seul, il y a toujours quelque chose qui nous oriente ou qui a un impact sur nous. » William aime bien ne pas être sous influence. « C’est une manière de garder une forme de liberté, prendre du recul par rapport à toutes les recommandations. » Un principe qu’il applique aussi au monde du spectacle. « Comme lors d’une visite, le spectacle ramène à la question du ressenti. Quelles émotions va-t-on éprouver ? Ce n’est ni plus ni moins que ce que je fais en médiation. Les ingrédients sont assez semblables. »

William ne s’ennuie jamais. Un livre est tout juste sorti que de nouveaux ouvrages l’attendent sur le métier. « Après le livre sur Fontenay qui a été publié en 2020, nous travaillons cette année avec une collègue et amie sur le château de Terre-Neuve. Je travaille également sur les 600 ans de la reconstruction de l’église Notre-Dame de Fontenay, un projet qui devrait  aboutir l’an prochain. Autre livre en cours d’écriture : les œuvres d’art dans l’espace public à La Roche-sur-Yon. » Il veille à ne pas se renfermer sur le sujet. « Au contraire, je cherche toujours le contexte dans lequel cette œuvre ou cette réalisation s’inscrit, que ce soit à propos d’art ancien ou d’art contemporain. »

Intarissable ! Un peu Stéphane Bern, un peu Lorànt Deutsch, surtout William Chevillon.