À l’ombre des cuves inox de deux brasseurs locaux, un léger ‘brouhaha’ s’échappe du bar à l’ambiance urbaine. Un ovni de culture tendance hip hop, planté là en pleine campagne, à deux pas de l’aérodrome des Ajoncs. Julien, le tenancier du lieu, casquette à l’envers, jette un regard affûté sur la genèse de ce projet. Le condensé de son parcours de vie.
Le Brouhaha, un endroit bien fun, s’est rapidement tu après un début en fanfare. « On a ouvert trois jours avant le premier confinement. On s’est fait exploser ! Quand on nous a dit d’arrêter, c’était presque un soulagement : la pression des derniers jours, le gros carton à l’ouverture et des travaux à peine terminés. On l’a plutôt bien pris ». Quelques inquiétudes surgissent : temps d’ouverture trop restreint pour bénéficier pleinement des aides, pénurie de personnel… « On s’en est correctement sorti au final ».
Le projet est né d’une rencontre entre deux brasseurs locaux : le grand Zig aux Herbiers et les Coureurs de Lune au Poiré. « Ils ont eu la bonne idée de se rapprocher pour mutualiser du matériel ou des achats matières, tout en gardant leur identité propre. Je connaissais l’un d’eux pour l’avoir comme fournisseur : j’étais l’un des premiers à distribuer sa bière dans le sud Vendée, du côté de la Tranche. On a rapidement sympathisé ». L’idée d’un bar restaurant s’est mué en véritable projet avec une approche semblable à celle des coopératives. « Ils m’ont amené ce projet sur un plateau, à un moment où je cherchais du renouveau. Ça me bottait à 200%. Il fallait que je vende mon affaire précédente dans les temps pour intégrer le projet. Tout s’est parfaitement aligné ».
Difficile de reconnaître à cet endroit le siège d’une ancienne concession automobile. « On est reparti de zéro. C’était génial pour moi de créer mon futur outil de travail ». Les deux brasseurs, associés dans son projet, laissent à Julien carte blanche pour la déco. « C’est bien la marque de la confiance qui règne entre nous. Par la déco, j’ai essayé d’exprimer ce qui me parle, un lieu fun, plutôt urbain. La semaine, on touche les travailleurs ; le weekend on voit des familles, des gens du coin, les plus anciens. La moyenne d’âge c’est 30/40 ans. On essaie d’être attractif pour le plus grand nombre ».
Julien est né à Vierzon dans le Berry. « Je me suis lancé dans le compagnonnage, un peu par mimétisme car mes deux grands-pères étaient serruriers. J’y suis resté un peu plus de 7 ans, sans aller au bout. C’était trop rigoureux et je n’étais pas assez amoureux de ce métier pour ne penser qu’à ça, et pourtant, pendant longtemps j’ai été persuadé que je n’étais capable de faire que ça ». Il poursuit sans passion, hors de la maison des Compagnons. La rencontre avec celle qui deviendra sa future femme va tout bousculer. « Elle avait aussi le goût du voyage. On a pris la direction du Canada ; j’avais 26 ans ».
Ils partent au Québec avec un visa accordé dans le cadre du programme Vacances Travail (PVT). « Avant de partir, j’ai fait un perfectionnement en soudure. Une sorte de valeur ajoutée qui apportait là-bas des compétences recherchées et qui augmentait mes chances d’obtention de visa. Arrivé sur place, j’ai eu peur de me trouver enfermé dans une usine alors que nous venions découvrir du pays. J’ai décidé de ne pas faire ça ». Julien recherche alors des petits boulots, accepte de faire la plonge dans un restaurant. « J’ai découvert un autre métier. Une fois que j’avais terminé ce que j’avais à faire, je donnais le coup de main en cuisine ; je découpais les légumes ». Le serrurier métallier s’étonne de pouvoir faire autre chose. « De fil en aiguille on m’a proposé un poste de cuisinier dans un autre restau. Après 6 mois à Québec, nous sommes partis sur Montréal. Là j’ai postulé dans une poissonnerie qui proposait des produits locaux, avec une certaine éthique. Ils m’ont regardé droit dans les yeux, moi qui n’avais pas d’expérience. Banco ».
Outre Atlantique, le français est réputé travailleur. La relation au travail est moins contractualisée qu’en France. « Ils sont plutôt enclins à te donner ta chance. Par contre, si ça ne va pas, ils se débarrassent très vite ». Julien apprécie la souplesse dans l’organisation du travail. « J’ai aimé un style de vie totalement opposé aux 35 heures du bâtiment que je connaissais. Avec le visa, on pouvait facilement prendre des jours, une semaine par ci, quinze jours par là. Et comme ce n’était pas plus cher d’aller aux USA, on en a profité pour visiter. Miami, Los Angeles, New York… On marchait pour aller au boulot, et on mettait nos économies dans les voyages ». Un goût de liberté qui n’empêche pas de renforcer le bagage professionnel. « Au contraire, les expériences différentes apportent. Moi qui suis allergique à la vente de produits dont je ne suis pas convaincu, j’ai appris à vendre le produit auquel je crois. Ma femme qui avait des notions de service en salle, a également travaillé chez des maraîchers ».
Plus ou moins consciemment, la suite de leur parcours se dessine. « À notre retour en France, plutôt que partir vers l’Australie (une idée que nous avions dans un coin de notre tête) nous avons eu envie d’assembler nos différentes expériences pour monter un projet. La famille s’est formée avec nos enfants. Je n’ai aucun regret ; on a fait des trucs super. J’aurais très bien pu rester vivre là-bas ». C’est à la Tranche sur Mer qu’ils se poseront, là où ils s’étaient rencontrés quelques années plus tôt ; là où le père de Julien réside. « Il était technico-commercial ; je n’avais pas vraiment grandi avec lui. J’ai voulu me rapprocher ». L’aventure du bar à huîtres, le Panier de Monsieur Auguste, se lance quelques mois plus tard. « On est parti de zéro pour en faire un restau de bonne réputation en un peu moins de 10 ans ».
Plus de 10 ans après, les influences du voyage canadien sont toujours présentes. « J’aime l’ambiance des rues. Je suis capable de m’émerveiller devant une voiture dans un parking souterrain. Je suis attiré par les arts urbains et plus particulièrement le graffiti. D’une manière générale, j’aime tous ceux qui créent, le cuisinier pour une nouvelle recette, le brasseur qui sort une nouvelle bière ». Sa sensibilité musicale porte plutôt sur la soul. « J’aime aussi la musique électronique que j’ai découvert dans les rave-party. C’était l’époque charnière où j’étais enclin à la découverte du monde. Je garde le souvenir de rencontres, de découvertes musicales et artistiques».
Julien considère que son avis sur la société n’est qu’un avis de comptoir, sans grande importance. « Je n’ai pas envie de me laisser gagner par l’anxiété ambiante. Je reste positif en me disant : demain il fera jour ». Le logo de son établissement est signé du slogan : Beer, food and good vibes. Un peu sa devise. « Profitons des bonnes choses, des bonnes ondes, et de sa famille ».
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