Le déclin de la chaussure à la fin des années 90 a donné lieu à de nombreuses reconversions professionnelles. Nadine s’est longtemps imaginé qu’elle passerait l’intégralité de sa carrière dans la même entreprise. Les aléas économiques en ont décidé autrement. Depuis seize ans, elle conduit les camions, seule femme chauffeur au sein de l’agence Dachser Cargoplus. Un milieu d’hommes qui commence à se féminiser. Depuis le début de l’année, elles sont désormais deux à piloter les poids-lourds.
Quand son usine de chaussures a fermé, Nadine a été mutée à Saint Léger, au sein du groupe qui venait de racheter l’entreprise. « La façon de travailler était différente. Cela ne m’a pas plu, alors j’ai fait un bilan de compétences, et contre toute attente, il est ressorti : routier ! » La surprise surmontée, elle se dit qu’il faut essayer. Elle sollicite alors le Fongecif pour une formation de six mois, puis un congé sans solde dans le cas où l’expérience ne serait pas concluante. « Dès que j’ai eu le permis poids lourd, j’ai déposé un CV en Intérim le matin ; l’entreprise Arrivé me rappelait l’après-midi pour m’embaucher ». Ses contrats s’enchaînent chez Géodis, à l’agence nationale Dachser, puis à l’agence internationale du même groupe. Le père de Nadine a été le premier chauffeur des transports Graveleau, connus aujourd’hui sous le nom Dachser.
Rejoindre un univers de travail masculin n’est pas pour lui déplaire. « Déjà je n’avais pas le choix ; il fallait que je travaille avec des enfants en études. Longtemps, j’ai été la première et la seule femme de l’agence à rouler. Tous les chauffeurs étaient sympas avec moi. Chez Inova, je travaillais souvent avec des hommes. Je préfère. On se dit les choses en face… ». Depuis le 15 janvier dernier une nouvelle collègue a pris également le volant. « C’est très bien. Parce que moi, je suis plus proche de la fin de ma carrière ». Nadine roule à la journée. « Je n’ai pas de tournées régulières ; je sais le soir à la débauche ce que je vais faire le lendemain ».
Cette maman de deux enfants est mariée. Comme ses parents, elle est originaire de Saint Aubin où elle habite. Dotée d’un tempérament optimiste, elle sort quasi indemne de la période sanitaire que nous venons de connaître. « Oui, ce n’est pas toujours facile, mais il faut faire avec. Durant le premier confinement, nous on a continué à travailler. On roulait les masques. Je me souviens de ce lundi de Pâques où nous sommes partis à 14 camions à l’aéroport de Nantes, au pied d’un impressionnant avion (l’Antonov 124 surnommé Ruslan) qui venait de Chine. Nous repartions par convoi de 4 camions, escortés sur le trajet, accueillis par des militaires dans les entrepôts. Une ambiance assez surréaliste qui m’a marquée ».
La pandémie a tout de même marqué le coup d’arrêt de ses activités sportives. « J’ai fait du badminton, de la marche ou de la course à pied, et surtout, du tennis. Mais avec ce sapristi Covid, le championnat s’est arrêté ». Pendant une quinzaine d’années, Nadine sera la présidente du club ‘les raquettes saint aubinoises’. « C’était le sport familial, mon mari, mes enfants en ont fait. Et moi depuis l’âge de 18 ans. Cela m’a permis de rencontrer beaucoup de monde, notamment lors des réunions au sein de la fédé ».
Nadine n’aime pas s’appesantir sur les difficultés du passé. « La construction de notre maison, ça n’a pas été une partie de plaisir. Ce sont des caps à passer. Cela ne sert à rien de se lamenter ». La reconversion professionnelle lui a ouvert de nouveaux horizons. « Sans la fermeture de l’usine, j’y aurai passé toute ma vie. La décision de faire autre chose est dure, mais une fois qu’elle est prise, c’est enrichissant de découvrir de nouvelles choses ». Un tempérament de battante qu’elle a hérité de son père. « Lui il a beaucoup bossé pour élever ses huit enfants. Jamais il ne se plaignait. C’est ce que j’essaie de transmettre à mes enfants. Je crois qu’ils ont aussi ce même caractère ».
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