Une vie simple, marquée par l’engagement envers les siens : son papa disparu alors que René était âgé de 14 ans, son épouse, longtemps malade, dont il s’est occupé. Des situations qui n’ont pas entamé son tempérament joyeux. La plus grande partie de sa carrière s’est passée à l’usine de chaussures à la Rabatelière. Il est aujourd’hui en maison de retraite. « Je ne veux pas causer de peine à mes trois enfants » dit-il.

Sa maman a occupé une place prépondérante dans son enfance. « Je l’écoutais beaucoup. Je l’ai toujours vouvoyée. Mon père disparu, je n’avais plus qu’elle pour me conseiller. Elle était assez autoritaire, jamais méchante. Je me souviens d’une fois où elle s’est mise en colère, c’est quand je suis parti de la ferme. J’avais 24 ans ; je lui ai dit : on est dans la deuxième moitié du siècle ; il faut avancer ». Sa famille compte 3 garçons, 3 filles. « J’étais le cinquième, né au mois de mai, en 1935. Le chiffre 5 me porte chance ». René est le seul survivant de la famille, avec sa bonne humeur et une mémoire fidèle.

Il a sept ans lorsque naît sa petite sœur. « C’est à l’épicerie l’Etoile tenue par madame Jobard que je croise une grand-tante. Elle me dit : tu ne seras plus le crac [entendez le cadet], mais moi je n’avais pas compris, je me demandais ce qui allait me tomber sur la tête. ». À l’époque le baptême avait lieu le jour de la naissance. « Perturbé, je suis allé voir ma mère dans sa chambre ; elle m’a expliqué simplement que je n’étais plus le cadet, tout simplement ».

Suite à un grave accident, alors qu’il élaguait des arbres, son père était atteint par la tuberculose. « Ma mère me demandait de passer du temps avec lui pour l’occuper. On jouait aux dames, au jeu de l’oie. Il s’autosoignait avec des traitements qu’il faisait venir de Grasse ; il faisait fumer ses jambes pour soulager les phlébites. Un jour m’a sœur m’a prévenu de son décès imminent. Ça m’a terrassé ». La famille change alors de ferme pour aller de la Chapelle vert à la Crépelière, toujours à Saint Fulgent. « Un jour qu’avec mon beau-frère et ma sœur on faisait des ‘bêcheries’ je leur ai tendu la perche, en proposant de quitter la ferme ». René a 24 ans lorsqu’il entre à l’usine de chaussures.

Auparavant, il s’est acquitté de deux ans de service militaire. « J’ai fait 10 mois en Algérie, en petite Kabylie. J’étais exempté de marche en raison de mes varices. Avec ma goule enfarinée, je me suis retrouvé coiffeur parce que j’avais dit que dans mon village, c’est moi qui coupais les cheveux aux voisins ». Coiffeur le jour, barman en soirée. « J’aimais tenir le bar, et les comptes du foyer. Globalement, j’ai réussi à passer à travers les mailles du filet. Même si j’ai connu quelques situations de guerre plus délicates, notamment quand je m’occupais du mortier. Il fallait faire attention ». René retrouve sa famille et sa terre en 58, quelques mois encore sur l’exploitation.

Durant 33 ans il prendra le chemin de l’usine. Une vie paisible qu’il pimente d’engagements sportifs. « J’ai été arbitre de foot durant 8 ans. J’avais joué un peu auparavant, mais ma mère avait toujours peur que je me blesse à cause du boulot. Ma santé était assez fragile ; j’ai dû arrêter l’arbitrage ; enfin pas vraiment car je suis devenu superviseur des arbitres du secteur ». C’est à ce moment-là qu’il découvre la passion du vélo. « Toujours en raison de ma santé fragile, je limitais mes sorties cyclo à 30 kilomètres. Puis un jour, Paul Rautureau m’a embarqué avec son groupe. On a fait jusqu’à 80 kilomètres. J’ai participé aux semaines fédérales, un peu partout à travers la France, pendant une petite vingtaine d’années. J’emmenais ma caravane qui me servait aussi pendant mes cures ». La semaine de Roubaix compte parmi les bons souvenirs. « Nous roulions sur les routes pavées, et un jour, pour éviter le véhicule qui venait en face, dans un virage à l’équerre, je suis allé au fossé. La semaine se clôturait dans le fameux vélodrome ». Il sera président du Circuit de Bocage Vendéen durant 33 ans.

Homme d’engagements, il sera conseiller municipal à Saint Fulgent, délégué cantonal du Souvenir Français pour entretenir la mémoire de ceux qui ont combattu. « J’ai également été bénévole au Puy du Fou, aux parkings, durant une vingtaine d’années ». L’éprouvante maladie de son épouse l’occupera durant une bonne partie de sa retraite.  « Je m’en occupais comme un infirmer. Sa maladie ne souffrait aucune contrariété. Elle est décédée en 2010 ».

 Aujourd’hui, René vit en maison de retraite. « J’y suis à la fois en sécurité, et donc rassuré, même si ce n’est pas toujours facile à accepter. Mais je ne veux pas donner de peine à mes enfants. J’ai vendu ma maison ; le capital permet de payer la pension ». La télévision demeure pour lui une bonne occupation. « Les informations, le sport, les JO, ça agrémente la journée ».

A ses yeux, la période de la guerre reste plus difficile que la période qu’on vient de traverser. « La guerre a rendu des gens fous, y compris des bons devenus cinglés dans la tourmente ». La crise sanitaire ne semble pas l’avoir inquiété plus que ça. « J’ai toujours cru au vaccin. J’ai pourtant une santé fragile. Je sors d’une chimiothérapie, j’ai une luxation de l’épaule… mais j’ai une force intérieure qui m’aide à m’en sortir. Je marche au moral, comme mes parents. Je suis optimiste ».

« Je suis né pour donner ; j’ai rarement dit non, mais je n’aime pas qu’on se foute de ma goule ! L’éducation reçue de mes parents, le temps que j’ai passé auprès de mon père quand il était malade, auprès de ma femme, autant de situations qui ont fait que j’ai donné et j’en suis heureux. On m’a toujours appris qu’il fallait aller de l’avant, savourer le moment présent ». À 87 ans, c’est toujours sa devise.