Il n’y a pas d’âge pour la reconversion professionnelle. Emmanuel plaque la radiologie pour devenir inséminateur bovin. Deux métiers pour lesquels il fait des parallèles, mais dans le secteur agricole, il y a encore la nature qui dicte sa loi, atténuant cette frénésie qui sévit dans beaucoup de milieux professionnels. Epicurien, il a le verbe rieur. Notamment lorsqu’il retrouve ses amis de la banda des Landes Génusson, le saxo en bandoulière, un instrument qu’il a appris à l’âge de 10 ans.

Son avis sur le milieu hospitalier est loin d’être isolé. « Cela fait 16 ans que je travaille dans ce service. Les conditions ont changé ; le climat aussi. » Le numérique a remplacé le tout argentique en radiologie. « La téléradiologie nous prive des contacts médicaux avec les radiologues sur place, parce qu’ils sont moins nombreux. On fait la radio, on l’envoie, et ça enchaîne. » Il pense pourtant que son service n‘est pas le plus mal loti par rapport à d’autres du centre hospitalier. « La radio, ce n’est pas les urgences ou d’autres services de soins où ça court partout, surtout dans des périodes de crise comme celle qu’on vient de connaître. Mais il est de bon ton de se plaindre… » Lui est allé se faire son avis dans d’autres hôpitaux. « Les conditions n’étaient pas meilleures, à mon avis moins bonnes. »

Il fait un bilan de compétences, lui qui est attiré par le milieu agricole. « Ce n’est pas une influence familiale qui m’a guidé vers ce choix, même si j’ai grandi à la campagne. » À Amailloux précisément, entre Parthenay et Bressuire. La relation de confiance qu’il sait instaurer naturellement vaut autant auprès d’un patient que d’un éleveur. « L’insémination est aussi une manipulation technique, de la gestion de matériel, comme en radio. Il y a plein de choses qui se croisent, plus qu’on ne peut l’imaginer. » La technologie apporte aussi sa part de productivité dans ce domaine ? « Oui, mais il y a encore la nature qui dicte sa loi. »

Chez Emmanuel, la jovialité s’accorde à la musique. « C’est à Boismé que j’apprends le saxo. Quand je suis arrivé dans le Choletais pour le boulot, j’ai cherché une banda et via internet, j’ai trouvé celle des Landes Génusson. J’ai retrouvé un répertoire que je connaissais, des musiciens qui aiment faire la fête. » Il s’y sent tellement bien que depuis quelques temps, il en a pris la direction. « Au grand complet, nous sommes une trentaine. » Une bonne échappatoire.

S’il en avait la possibilité, il aimerait donner un coup de main à ce monde qui, à ses yeux, va trop vite. « J’ai le sentiment qu’on se fait embarquer pour des choses sur lesquelles on n’a même plus le temps de réfléchir. On se demande où on va. » Il affirme avoir de l’espoir dans la vie, dans les jeunes générations, mais s’interroge sur la vitesse de la technologie qui prive de toute réflexion. « Elle nous assiste plus qu’elle nous aide à réfléchir. Il faut que ça enchaîne. J’ai peur que ça nous mène dans le mur. » Présente partout, la technologie le sera aussi dans son futur métier. « L’insémination n’échappe pas à la recherche des meilleures combinaisons génétiques. Si on veut regarder le bon côté de la chose, on peut dire qu’avec un cheptel moindre (et donc moins de pollution), on pourra obtenir des productions équivalentes à celles d’aujourd’hui. »

Marié, père de quatre filles, Emmanuel est investi dans la vie locale, pas seulement par la musique. « Je suis investi dans des associations de parents d’élèves, dans ma paroisse, mon club de volley ou au Hellfest. Ce sont toutes des occasions de rencontrer plein de gens. » Il est chrétien, pratiquant. « Cela influence mon chemin de vie. » Il pratique le jardinage et apprécie faire la cuisine. « Il vaut mieux car ma femme rentre tard le soir. » Elle est ostéopathe. « Elle travaille de 9 heures à 20 heures tous les jours et n’a pas les avantages d’une profession libérale reconnue. Malgré nos bonnes situations, on ne part en vacances qu’une semaine par an. » Une situation qui l’irrite un peu. « Les gens pensent que c’est toujours mieux chez le voisin, mais si on mettait les cartes sur la table, il y aurait des surprises. »

Ses acolytes chauffent les instruments. Le chef est attendu pour entamer l’aubade du jour !