Pratiquer des soins esthétiques pour les personnes souffrantes, fragilisées ou en détresse sociale, voilà le métier qu’exerce Ophélie depuis plus de sept ans. Aider la personne affaiblie à retrouver un peu de dignité. Un métier encore à la marge il y a quelques années, un peu plus répandu aujourd’hui avec une dizaine de praticiennes sur le département. La pandémie a amplifié les besoins.
Pour exercer ce métier, il y a l’enseignement. « Il faut d’abord être esthéticienne. J’ai passé un CAP puis un BP, et après avoir exercé en institut de soins, j’ai pu entamer cette année complémentaire avec une approche pluridisciplinaire autour du médical, du social et du carcéral ». Il y a d’abord, et peut-être surtout, une disposition naturelle, une attention à l’autre. « Depuis que je suis enfant, j’ai toujours eu cette sensibilité. Ma grand-mère me rappelle de temps en temps que petite, je parlais souvent des enfants noirs qui me semblaient malheureux. Je me souviens d’un Noël où j’ai eu un baigneur noir… je pleurais de joie ! ». Il faut enfin un bon équilibre personnel. « Je ne considère pas ce métier comme étant difficile ».
Ophélie entend parler de cette particularité du métier dès sa première année professionnelle. « Tout de suite pour moi, ça a fait sens. Je suivais une cliente malade à l’institut et ça m’animait, en m’apportant une vraie utilité dans mon travail ». D’où son envie de rejoindre le CODES (Cours d’esthétique à Options Humanitaires et Sociales). « Il y a une liste d’attente. J’avais pour moi une expérience de deux mois dans les écoles à Madagascar dans le cadre d’une action humanitaire. Je suppose que ça m’a aidée ».
Elle se lance dans le grand bain de la vie active en voyant très large. « J’ai commencé dans une épicerie solidaire tout en assurant des demi-journées tous les 2 ou 3 mois à l’hôpital Mazurelle. Puis j’ai fait un remplacement chez les Orphelins Apprentis d’Auteuil à Challans. Ça a fait boule de neige. J’ai travaillé en ESAT, un peu en carcéral…C’était parti ! ». À la maison d’arrêt, elle assiste une écrivaine qui rédigeait des CV pour des détenus en fin de peine. « Moi je travaillais autour de la personnalité pour redonner confiance lors d’un entretien, ou de la colorimétrie vestimentaire ».
Ophélie exerce à titre libéral, dans le cadre de sa micro-entreprise. « Je travaille pour le compte de structures comme l’hôpital Mazurelle, la Ligue contre le cancer, les Apprentis d’Auteuil. Je peux intervenir en séance individuelle, mais je fais aussi beaucoup de collectif, dans des ateliers où je suis accompagnée d’un soignant ou d’un éducateur. La palette des thèmes est très large : soins du visage, hygiène, colorimétrie… ».
Ce qu’elle apprécie plus que tout, c’est d’aider les gens à valoriser leur image. « Quand la maladie survient, la personne est souvent démunie. Il faut contenir le corps, réconforter autrement que par le médical. Le corps peut être meurtri par les traitements ; c’est très invasif. Le temps d’une séance, on apaise la douleur, on aide la personne à retrouver de la considération pour elle-même. Parfois la douleur est trop forte ; il faut seulement faire quelques effleurages, des gestes de douceur, d’enveloppement. Chez les psychotiques, il n’est pas toujours possible de les toucher. On va tenter une autre forme pour leur bien-être ».
Ophélie apprécie la diversité dans son travail. « Dans ma semaine, quels que soient les patients, il y a des moments plus légers ». Son expérience est encore jeune mais suffisante pour relativiser. « Au démarrage, le soir je ressassais, surtout avec l’appréhension de ne pas bien faire. Aujourd’hui ça va. Quelques situations peuvent encore faire écho, mais j’ai la chance d’avoir un bon équilibre. J’essaie de ne pas ramener trop de choses à la maison ».
Une maison qu’elle partage avec son ami, Baptiste. « On se connaît depuis 15 ans ». Le chantier de rénovation a été un beau projet commun durant un an. « On a tout rénové de A à Z avec l’aide de nos papas ; c’était chouette ». La famille est pour elle facteur d’équilibre.
Maintenant qu’elle est reconnue dans son métier, elle ne se voit pas faire autre chose. « Au départ, comme partout je suppose, il faut faire ses preuves ». L’aménagement intérieur de sa maison étant terminée, elle lorgne vers les extérieurs. « Il y a de quoi faire avec les différentes parcelles, des petits jardins, des fruitiers ici ou là. J’aime le contact avec la nature ». Elle est curieuse de plein de choses. « Faire des cosmétiques maison, du sport, du fitness ou de la course à pied. Je cours avec Baptiste, mais il a un niveau supérieur ! ». La cuisine est la pièce où elle passe le plus de temps. « Un héritage de ma grand-mère, cette passion de la cuisine. Et toujours avec la quantité, des fois qu’on manquerait… » s’amuse-t-elle.
Bien manger… l’emmène sur un autre terrain. « La prévention alimentaire, comme les autres formes de prévention, est trop peu pratiquée. Ce que fait la Ligue dans les écoles me semble primordial ». Les applications téléphoniques soi-disant préventives ne sont pas de son goût. « Ils ne se basent que sur les calories, pas suffisamment sur les ingrédients, la composition (additifs), l’utra-tranformation ». Elle privilégie le bio. « Pas toujours plus cher si on considère la tentation pour les autres produits en grande surface ». Sans en faire une obsession : « Il faut savoir se lâcher ».
Elle n’est pas adepte des nouvelles technologies. « Je me sens en décalage, mais ça ne m’attire pas. J’ai toujours un agenda papier ». Elle redoute le traçage au quotidien, la reconnaissance faciale. « Ça me révolte pour le monde de demain ; c’est une privation de liberté quand nos grands-parents se sont battus pour plus de liberté ». Elle ne regarde quasiment plus les infos. « C’est une façon de me protéger ». Elle pense que l’extinction humaine peut survenir si l’homme continue ainsi. « L’environnement n’est pas assez pris en compte ». La crise sanitaire agit comme un écran de fumée pour certains patients. « C’est dur pour les personnes qui ont appris leur maladie depuis 2 ans. Ils ont le sentiment que leur pathologie n’est plus la priorité. La pandémie n’est pas si catastrophique, pourtant il n’est plus question que de ça ».
Sa philosophie de vie, elle la tient de sa maman. « Dans une épreuve, il y a toujours du positif à en retirer. Je ne le voyais pas plus jeune ; aujourd’hui : si, et pas seulement à travers mon travail ». Un principe qu’elle exprime ainsi. « Il faut savoir cueillir les petits bonheurs au quotidien : la maison, les amis, la famille, des choses simples. Je n’ai pas besoin de grandes choses pour être heureuse ».
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