Ancrage… Le mot revient souvent dans la bouche de Daniel Robin lorsqu’il évoque son parcours. Ancrage familial : la saga Vendée Matériaux (aujourd’hui regroupée sous l’entité Hérige) est une épopée en milieu rural plus que centenaire. Ancrage territorial par le mécénat associatif et sportif. Ancrage économique à travers différents réseaux : Medef, Réseau Entreprendre, Association RUPTUR en tant que membre fondateur, APM… Cet homme qui tient la baguette au pupitre est également président de la formation Symphonie Mosaïque .

C’est son arrière-grand-père qui a créé l’entreprise il y a plus de 110 ans, entraînant dans son sillage quatre générations. « C’est une fierté de transmettre à la génération suivante, même si ce n’est pas si simple ; c’est quelque chose qui s’organise ». Concrètement, les plus jeunes rejoignent les organes de gouvernance ou les comités stratégiques. « Aujourd’hui en tant que président du conseil de surveillance, ce qui m’anime, c’est de maintenir cette fibre familiale. Nous sommes en mesure de pérenniser l’entreprise familialement, même si aujourd’hui nous n’avons pas de dirigeants familiaux sur le plan opérationnel. L’influence et la synergie entre associés et dirigeants fonctionnent dès lors que chacun respecte son périmètre et que la confiance est là ».

Daniel entre dans le groupe en 1978 via la responsabilité du service du personnel. « J’y suis resté un peu plus de 7 ans, peut-être trop ? Avec le recul, ce n’est pas le poste où je me suis senti le plus à l’aise. J’avais 25 ans. J’aurais pu m’armer d’un peu plus de courage pour aller voir plus vite ailleurs ». Cela ne l’empêche pas de rebondir de belle façon. « Je me suis intéressé à l’activité béton, connue aujourd’hui sous la branche Edycem. Ça a été un marqueur dans ma carrière, avec une pluralité de fonctions, de la finance au commerce. C’est vraiment ce qui m’intéressait ». Une branche qui a prospéré. « Les activités se sont réparties au sein des familles ; la vie du groupe demeure pour autant essentielle pour chacun de nous ».

Ce passionné de voile aurait-il pu faire un autre métier ? « Peut-être le monde nautique. J’ai traversé deux fois l’Atlantique en course ». Des défis personnels qui lui procurent une certaine montée d’adrénaline. « J’y vois une forme de mimétisme avec le monde de l’entreprise dans la préparation et l’organisation d’une course. Ça permet aussi de relativiser certaines situations : un gros coup de vent en mer te fait oublier les petits tracas de terrain ». Il affectionne aussi d’autres sports « À l’Herbergement, tu grandis avec le foot. J’ai toujours aimé côtoyer des jeunes d’horizons différents ; ça crée une proximité, une vraie richesse ».

Daniel Robin est aux premières loges pour observer les mutations du monde de l’entreprise. « Depuis un certain nombre d’années, on entreprend des actions sur le plan sociétal et environnemental ». Autant de facteurs essentiels pour les jeunes générations. « Le profit demeure nécessaire pour développer et pérenniser, mais pour les plus jeunes, bien qu’ils en soient conscients, ce n’est pas la quête absolue. Il faut développer des actions en parallèle pour qu’ils trouvent un sens à leur investissement professionnel ». Leur attachement à l’entreprise évolue. « Pour notre génération qui plaçait la valeur ‘travail’ avant toute chose, ça nous oblige à reconsidérer le rapport à l’emploi. Pour eux, une opération de croissance sera mieux acceptée si elle intègre par exemple un projet d’économie circulaire ». La jeunesse lui inspire confiance. « J’ai visité récemment une entreprise voisine qui compte de grands ‘open spaces’.  Ça pétille, c’est génial ». Les sondages placent l’entreprise devant l’État en termes de confiance. « Si on est un repère, on se doit d’être exemplaire ». L’engagement sociétal au sein du groupe se concrétise aussi par l’association Martial Caillaud. « Ses actions humanitaires touchent à la construction et à l’éducation dans des pays défavorisés comme les écoles, orphelinats, centres de formation professionnelle… »

Le réseau qui lui tient le plus à cœur est celui de sa famille. « Ceux qui m’ont inspiré depuis toujours ce sont mes parents. J’ai longtemps travaillé avec mon père, mon oncle, mes cousins ; ma maman a 91 ans aujourd’hui. Mes trois enfants sont citadins.  Ils quittent Paris pour revenir en province, mais ils choisissent encore des grosses villes. Ils se sont construits eux-mêmes et ont choisi leur destin, pas celui de l’entreprise familiale, ça leur réussit plutôt bien ».

Son investissement au sein du réseau Entreprendre Vendée l’enthousiasme. « Les chefs d’entreprise expérimentés permettent aux plus jeunes de mettre le pied à l’étrier à l’occasion d’une création ou d’une reprise. Ils le font gratuitement ; c’est une belle cause ». Il siège dans différents comités stratégiques d’entreprise. « C’est une émulation qui tire tout le monde vers le haut. En Vendée, il y a un maillage assez extraordinaire où les chefs d’entreprise entretiennent des liens forts ». La présidence du Medef 85 durant quatre ans n’a fait que le conforter sur ses convictions. Autre regroupement où il trouve de la ressource c’est l’APM (Association Progrès du Management). « Tous les mois des experts viennent échanger sur leur spécialité ». Et depuis peu, il est président de l’orchestre Symphonie Mosaïque. « Je ne suis guère mélomane, mais j’ai découvert combien la musique classique pouvait trouver sa place dans l’entreprise ».

Son optimisme semble aussi solide qu’un bloc de béton. « Au fil des siècles le monde s’est adapté. Les menaces existent ; il faut s’y attaquer. On assiste peut-être à une nouvelle révolution industrielle avec une consommation moins effrénée ». À court terme, la désorganisation et la raréfaction des matières premières illustrent à ses yeux une instabilité politique. « Ce contexte délicat offre aussi de beaux challenges. Dans notre métier, nous allons probablement baisser les volumes pour faire des produits plus durables, plus respectueux de l’environnement, comme le béton décarboné ». Il pense également qu’un rapatriement de certaines productions serait un gage de moindre dépendance. « La pandémie a clairement posé cette question ».    

L’heure de la retraite n’a pas encore sonné. « Je souhaite pousser un peu plus loin le volet ‘transmission’ ; ça me passionne ; après je suis conscient qu’à tout âge, il faut adapter ses occupations. Celles qui m’attendent sont familiales avec mes petits-enfants. Je pourrai faire un peu plus de bateau, voyager ». Une chose est sûre, ses nombreux contacts ne vont pas se dénouer avec la retraite. Son parcours contient le message qu’il souhaite transmettre. « Pour ne pas être à la merci des autres, il faut avoir le courage d’être soi, avoir l’audace de se lancer pour faire ce qui plaît. Et là, on trouve de belles ressources insoupçonnées ».