Depuis un peu plus de trois mois, Audrey a besoin de toutes ses forces pour affronter un cancer. Cette forme peu répandue et difficilement détectable, le rhabdomyosarcome, s’attaque aux tissus mous, le plus souvent chez les enfants en bas âge.  Il s’est invité dans sa vie, a chamboulé celle de sa famille. Il n’entame ni son sourire, ni ses traits d’humour. Le chemin sera long. Audrey partage ses doutes et ses espoirs sur sa page Insta ro._jo._ Elle ne veut pas que la rumeur écorne sa parole. Récit d’un combat noble.

Née à Dreux, elle arrive en Vendée à l’âge de 10 ans. « D’abord à Benet, à Saint Hilaire de Riez puis à St Christophe du Ligneron. Un petit détour par Vannes avant de revenir à la Roche sur Yon. J’ai eu une vie familiale un peu chaotique qui m’a appris à m’en sortir seule. J’ai la chance d’avoir un caractère fort et d’être autonome ». Son petit ami perd la vie dans un accident de voiture 2 mois avant le Bac. « Je suis allée à l’examen en mode zombie ; je ne dormais plus ». Audrey se ressaisit. « Je suis partie à Majorque en tant que fille au pair et c’était un très bon choix car j’ai désormais là-bas une deuxième famille».

Elle effectue différents emplois à son retour, du Mc Do au Super U. « J’ai décroché un emploi en téléphonie. C’était un CDD pour 2 mois maxi. Je me suis dit : prends les rames et montre-leur que tu mérites plus ». Pari gagné. « Deux mois plus tard on m’a proposé un CDI comme vendeuse, puis j’ai fait une école interne pour devenir responsable ». Elle intègre l’agence de Cholet, envisage d’être mutée, jusqu’à ce que sa route croise celle d’Arnaud qui deviendra son mari. « Je suis restée et me suis retrouvée à la tête de deux agences de téléphonie après la fusion de Numéricable et SFR. Ça marchait bien et autour de la trentaine, j’ai voulu changer. J’ai fait une VAE puis obtenu mon BTS en candidate libre. Le côté RH m’attirait. J’ai été recrutée dans une agence intérim où je suis devenue responsable ».

Sa carrière va bon train jusqu’au jour où elle ressent une forte fatigue. « Je croyais vraiment que c’était un burn out et que j’étais psychologiquement atteinte ». Elle qui aime les challenges va jusqu’à refuser une promotion. « Mon employeur croyait que je jouais la diva ; il n’entendait pas que je puisse être si fatiguée ». Audrey, épuisée, sollicite une rupture conventionnelle. Maux de têtes, tachycardie…elle va d’examen en examen. Le diagnostic tombe le 1er octobre dernier.

Les douleurs physiques s’ajoutent à la souffrance morale. « Ce cancer agressif touche les tissus mous, donc les muscles, et pour ce qui me concerne les sinus. Le cancer s’est aussi métastasé dans les ganglions du cou ». Le traitement est lourd. « Je ressors de mes chimios avec 5 kilos de réhydratation dans le corps. Je dois être opérée le 25 janvier et après j’entame la radiothérapie couplée à la chimiothérapie ».

Audrey ne cache pas sa maladie. Elle communique via Instagram « Cela permet de faire des rencontres. Le rhabdomyosarcome touche particulièrement les enfants. Je veux pouvoir porter leur parole car ils ne peuvent pas le faire eux-mêmes ». Une façon aussi de rabrouer les débats stériles et autres futilités dont se délectent tant de gens. « Il y a tant de polémiques qui me semblent déplacées. Je n’étais pas la dernière à me plaindre de mes petits tracas. Désormais je vois tout différemment. Quand on tombe malade, on se rend compte que le simple fait de regarder le soleil se lever le matin est  une chance ». Par le réseau social, elle délivre sa parole, raconte son histoire. « Les gens qui parlent de moi ne savent pas ce que je vis au quotidien ».  Son pseudo comporte les premières lettres de ses deux garçons : Roman et Joan.

Elle n’a pas de tabous, même si parfois elle doute de l’intérêt de communiquer publiquement. « Mon combat, je considère qu’il est noble. Je me bats pour vivre ; je n’ai pas à avoir honte ». Elle hésite parfois à aller à la sortie de l’école. « Le regard des autres n’est pas malveillant mais il est parfois maladroit. Cette maladie fait toujours peur ». Audrey ne baisse pas les bras. « J’ai décidé d’être heureuse, pour moi, mon mari, qui fait tant pour moi, pour les enfants et la famille qui nous soutient énormément. Nous sommes une équipe dans ce combat et les moments partagés sont précieux ». Elle ne veut pas qu’on s’apitoie. « Je souhaite qu’on m’aborde comme avant. Je suis la plus contente quand les gens que je n’ai pas vus depuis longtemps ne changent par leur regard sur moi. Ou encore les moments partagés avec des amis qui arrivent à me faire oublier le temps d’une soirée que je suis malade. Avec Arnaud, nous restons nous-mêmes ». Aux instants difficiles succèdent les moments meilleurs. « Oui, à la sortie du traitement je vais mal. Après ça, j’essaie de retrouver une vie quasi normale. Dans l’enceinte de la maison, ça a toujours été Disneyland ; il n’y a pas de raison que cela change ».

Le contexte actuel lui fait penser à un manège à sensations où les gens sont bousculés sans vraiment maîtriser ce qui leur arrive. « Je trouve que c’est difficile pour mes enfants qui sont à l’école, avec le protocole qui change toutes les semaines : masque, pas de masque, re masque… Plus généralement, on ne sait pas de quoi demain sera fait ; cela renforce un côté déjà hyper anxiogène. J’ai cru au début de la pandémie que les gens allaient rechercher un peu plus de sérénité, ajuster leurs échelles de valeur… c’est reparti comme en 40, peut-être en pire ? Je ne comprends pas qu’on se chamaille pour des bricoles ».

Audrey aime regarder les films. « Je crois que j’ai fait le tour de Netflix ». Elle se ressource en musique. « J’écoute beaucoup de choses, mais il y a un groupe dont je particulièrement fan en ce moment : Rouquine. Ils ont une chanson qui dédramatise le cancer en l’évoquant de manière très crue, mais c’est si joliment écrit ». Sans oublier ses moments de distractions préférés. « Ceux avec mes deux enfants ».