Marin pêcheur en 1959, à l’âge de 13 ans et demi, Michel a rejoint le port de plaisance Olonna à sa construction en 1979, après une sévère hernie discale qui ne lui permettait plus de retourner en mer. Il n’a que 32 ans. Vingt-quatre ans plus tard, une nouvelle hernie l’oblige à se faire opérer : il restera près de deux ans sans pouvoir s’asseoir. Quand il a remis le pied à terre, il s’est lancé un premier défi : Les Sables-Deauville en marchant. Une bagatelle de 430 kms au profit d’une association pour enfants malades. En 15 ans, il a parcouru 5000 kilomètres et versé plus de 50 000€ à l’Association Française de l’Ataxie de Friedriech.

Il a toujours le cœur en mer. « Nous rentrions toujours pour Noël, par contre j’ai passé plusieurs réveillons du nouvel an en mer ». Une histoire de famille tournée vers le large. « L’hiver, on pêchait au chalut, l’été on suivait le thon des côtes espagnoles aux côtes irlandaises. Nous n’étions payés que si nous ramenions le poisson. Cela m’est arrivé de faire un mois en mer sans faire les comptes (pas de paye !). À 27 ans, il passe son brevet de Patron de pêche. « Deux ans plus tard, j’ai fait construire mon bateau : l’Equinoxe ». Il devra le revendre 6 ans plus tard, en 1978, suite à son accident. « J’ai dû laisser mon métier de patron de pêche le ventre noué. Il y avait jusqu’à 6 marins à bord ». L’ambiance cordiale pondère la dureté du métier. « Lorsque mes deux filles sont nées, je n’étais pas à la maison ».

Pour renouer avec les vagues, il s’engage comme bénévole à la SNSM, 5 ans après son accident. « D’abord sur le canot ‘Tout temps’, je terminerai comme mécanicien sur le ‘Jacques Morisseau’, le bateau qui a vu périr trois sauveteurs en juin 2019 ». Michel venait de trouver un poste de pontonnier à Port Olonna. « En dehors de la mer, je ne savais rien faire. Pour rester en contact avec les marins, j’étais bénévole au port de pêche ; je plaçais les bateaux de plaisance ». Une expérience qu’il met à profit sur les pontons flambant-neufs du port de plaisance. « J’ai été marin durant 19 ans et demi, puis 26 ans au port de plaisance. J’ai terminé comme maître de port, responsable du plan d’eau, sous les ordres du directeur. J’avais la charge d’une équipe de 5 pontonniers ». Un poste privilégié pour observer les balbutiements du Vendée Globe dont la première édition remonte à 1989. « Les skippers nous sollicitaient sans arrêt, pour sortir faire des essais, des réglages, ou revenir sur les pontons, parfois en pleine nuit. On remorquait le bateau avec les zodiacs. On prenait des coups avec eux. C’était une autre époque. J’en garde de super souvenirs, avec Philippe Jeantot que j’appréciais, JL Van den Hedde, le Sablais. On se croise souvent ».

Le sort s’acharne sur Michel. « J’ai forcé en étant sur un ‘catway’. Ça a déclenché une hernie paralysante. J’ai été opéré le 16 décembre 2002 et j’ai marché correctement seulement en 2004. Huit mois de corset. Je ne pouvais m’asseoir. Je suis reconnu accidenté du travail jusqu’à mon départ à la retraite à l’âge de 59 ans ». Quand, deux ans après, il retrouve un pas plus assuré, il décide de rejoindre Deauville à Pied, là où habite sa fille. « J’ai croisé une maman dont le fils était en fauteuil. Il rêvait de pouvoir pêcher. J’ai décidé de collecter des dons pour qu’il puisse réaliser son rêve ». Mathias, l’enfant en question, est atteint de l’ataxie de Friereich, maladie neurodégénérative (soutenue par le téléthon). 23 jours plus tard et 430 kilomètres plus loin, la présidente nationale était à l’arrivée à Deauville. « Elle m’a demandé de marcher pour son association. Depuis j’en ai fait 14, avec une interruption en raison du Covid. L’an prochain je dois aller dans les Pyrénées ». 5000 kilomètres seront parcourus (hors entraînements) et plus de 50 000€ reversés à l’AFAF. S’il marche seul, à raison de 25 ou 30 kms/jour, l’équipage le suit en camping-car. « Mon beau-frère Bernard au volant, ma compagne Jacqueline à la cuisine. C’est une affaire d’équipe ».  La collecte de dons se fait en amont. « Je visite les entreprises pour expliquer la démarche. Il y a aussi les marcheurs qui m’attendent à chaque étape. C’est toujours émouvant. Ces malades qui viennent m’accueillir, ça m’arrache les larmes ».

Parmi ses guides de vie, il cite prudemment la pape Jean-Paul II. « L’homme m’a toujours attiré, plus que la religion. Son rapport avec les jeunes lors des JMJ, son allure de boxeur… Je respecte le personnage, je dialogue avec lui lorsque je marche. Je pense même avoir eu son soutien lors d’un accident à l’œil. Nous étions en pleine saison sur le port et avec les chirurgiens nous nous sommes mis d’accord pour une intervention en septembre. Un soir où je souffrais vraiment, j’ai sollicité Jean-Paul II. Le lendemain plus rien. Je n’ai même pas osé donner l’explication à mes collègues, pas plus qu’au chirurgien qui, sans savoir, m’a dit : ça relève du miracle ! ». Michel qui avale des milliers de kilomètres pense à sa bonne étoile papale. « Vu l’état dans lequel j’étais avant de marcher à nouveau… il y a bien quelqu’un ».

Autant que la mer, Michel aime beaucoup la nature. « Avec ma compagne, on fait toutes les cueillettes d’automne : noisettes, champignons, châtaignes… ». Il se préoccupe du réchauffement. « Ce n’est pas une légende ; je suis en particulier l’évolution des pôles arctiques et antarctiques. J’en parle avec mes petits-enfants. On est sur la même longueur d’ondes. Certaines choses bougent, mais ça ne va pas assez vite ».

Avant de conclure, Michel veut rendre hommage aux personnes qui assurent le fonctionnement de son association : Jacqueline et Bernard, mais également Linette et Muriel. « Sans eux, je ne peux rien faire ». Et quand on lui demande le secret de sa longévité sportive ? « Lever à 5 heures ; ensuite j’alterne d’un jour sur l’autre :  vélo d’appartement, musculation, étirements, au moins une heure par jour. Dès que le temps le permet je marche. Et le soir, je me couche tôt ! ».

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