Ce colosse chaleureux, au verbe haut, a établi sa tanière colorée aux fins fonds des marais, du côté de Soullans. Une tanière qu’on apprivoise rapidement, ébloui d’emblée par les couleurs chatoyantes ou les formes abstraites, parfois sculptées, sur des panneaux ou des toiles grands formats, par dizaines. Ici où là des blocs de résine aux filaments multicolores. Alain Coupas raconte sa construction artistique, ses influences faites de rencontres, ses sources d’inspiration puisées lors de ses voyages. Un parcours singulier.

Le climat des années 68, des parents séparés, Alain Coupas n’a pas été bridé, enfant, par une forme d’autorité. Doué très jeune pour le dessin, Les Nymphéas de Monet qu’il visite avec son école seront une première révélation. « C’est l’époque où je réfrénais encore cette sensibilité artistique, de peur de passer pour un faible ». BEPC en poche, lui qui est attiré par la sérigraphie et le design automobile, tente et rate les écoles d’art (Corvisart, Estienne). « Ma mère m’a collé chez les curés où j’étais bon dernier, sauf en dessin et en sport ». À 16 ans, contre l’avis de ma mère, je retourne chez mon père. « J’ai retrouvé des amis d’enfance et j’ai connu un nouvel élan ». Il passe un CAP de banque et se retrouve derrière le guichet trois ans durant. « Mon père était heureux, mais moi, ce n’était pas ma destinée, même si à la Banque Pinto & Sotto Mayor j’ai apprécié le contact avec la clientèle portugaise ».

Vingt ans : l’âge de tous les possibles, les soirées en boîtes de nuit. Alain tente l’expérience du Club Med à Agadir. « Au bout de trois mois, j’en ai eu marre. Je suis rentré à l’Institut de Formation Commerciale Permanente de Rungis, bien qu’à peine mûr pour rentrer sur le marché du travail ». Il met un pied dans l’immobilier. « Recherche de terrains, financements, permis de construire…J’ai vite trouvé la confiance des gens à l’époque du gros boom immobilier ». Il rencontre Catherine, sa future épouse, pharmacienne qui a pris en charge les protocoles de tests des produits cosmétologiques, au sein de l’Institut Mérieux. « Mon père est venu habiter la Rochelle à sa retraite. Nous avons rencontré un répartiteur en médicaments qui nous a proposé l’officine de Commequiers ».

Lorsque le couple s’installe en Vendée en 1983, Alain exerce dans la maison pavillonnaire. Ça ne lui plait pas. Il vend sur les marchés durant deux ans et réussit quelques belles opérations de promotion immobilière. « Je tombe un jour sur une émission où Dechavanne reçoit Claude Berri. Il vante une galerie rue de Lille à Paris qui expose de grands tableaux monochromes ». Ni une, ni deux, Alain fonce sur Paris. « Je suis inculte, intrigué cependant par cette forme d’expression. Je baguenaudais dans les rues dont la rue du Bac, et je rentre dans une boutique incroyable, les éditions Maeght, où je suis comme un petit garçon avec la chair de poule ». Ce sera un nouveau choc émotionnel à 35 ans pour celui qui dévorera alors les bouquins sur les cubistes, suprématistes ou encore les surréalistes…

De retour en Vendée, Alain s’approvisionne en contreplaqués, enduits et colorants. « Je venais d’attraper des choses difficiles à décrire qui donnaient un sens à mon existence ». Par la suite il passe à la toile et à l’acrylique. La transparence et la pureté de ses résines rappellent celles du verre. Il emprunte la métaphore biblique, pour illustrer ses émotions. « J’étais Paul sur la route de Damas. Mon buisson ardent venait de se révéler. C’était désormais à moi de m’élever sur cette voie de l’expression artistique ».

Alain Coupas est fasciné par le grand format : les nymphéas, mais aussi l’école de Paris ou celle de New-York des années 50 et 60. « Jackson Pollock passe pour un fou en éclaboussant la toile, sauf que le fou invente une technique qui fera sa réputation mondiale ». Il découvre William Turner, Zao Wou ki, Antoni Tapies…

Alain aime composer avec les paysages, des vues de très haut. Une sorte de Pesquet avant l’heure, version peinture. Il s’inspire aussi de l’infiniment petit, grossi au microscope. Il teste les résines qu’il découvre par hasard. L’apprenti chimiste s’émerveille, multiplie les essais. « Sans avoir fait d’écoles d’art, j’ai réussi à domestiquer la matière et réaliser des assemblages improbables. Peut-être de façon moins académique ? J’ai réussi à conjuguer des influences extérieures et mes propres sources d’inspiration pour donner corps à tout ça ». Ses carnets de voyages sont enregistrés dans son esprit, sans appareil photos. « Quand je reviens dans mon atelier, j’essaie juste de restituer l’émotion parce que je ne peux pas copier la réalité ». Sa peinture reprend essentiellement les thèmes de la terre, les volcans, les lagons, les déserts…

Au bout de 32 ans d’exercice de cet art, Alain Coupas conserve une forme de modestie. « J’ai encore à progresser. Par moments, je m’étonne de la réussite de certains tableaux ». Des œuvres qui supporteraient la comparaison avec des artistes de renom. « Certains m’ont écrit pour exprimer leur soutien. J’ai eu l’occasion de représenter la France aux Etats-Unis, à New-York ou Miami. Je n’ai jamais succombé à certaines sirènes ; peut-être à tort ? Je suis annihilé d’une honnêteté intellectuelle ; je ne fais pas de virages dans tous les sens pour aller vers celui qui me donnera le plus ».

Sa vision sur la société est tranchée. Il réfute le dogme de certains écologistes, tout en s’émerveillant des forces telluriques de mère nature. « Je suis une éponge qui absorbe les belles choses comme les moins belles. Cette terre vue du ciel nous rappelle que nous ne sommes pas grand-chose face aux éléments qui se déchainent, les tsunamis, le sixième continent, Fukushima…L’homme peut faire des bêtises comme ce n’est pas permis avec la bombe atomique ». Il souhaite que la terre reprenne ses droits. « Je préfère regarder le verre à moitié plein. J’aimerais qu’il y ait plus d’amour entre les hommes…un vœu pieu ? ».

L’artiste peintre est aussi amateur de musique. « Je pratique avec des amis que j’adore. Je joue de la batterie ». Il se rappelle ses jeunes années. « Quand, à douze ans, j’entends Johnny chanter ‘Pour moi la vie va commencer’, je trouve ça dingue. Les Rolling Stones, les Beatles ont marqué à jamais notre regard sur la société, en libérant une parole non dite, en bousculant les tenues vestimentaires ».

Cet épicurien adore les bonnes et belles tables. Il a un gros faible pour les voitures de collection. « Je voulais être dessinateur publicitaire ou designer automobile ». La réussite passe par le travail et le plaisir à réaliser les choses. « Il faut aussi s’ouvrir et trouver du talent chez les autres ». Et de conclure : « Je suis de mon époque ; je peins mon époque ». Ses ateliers forment un jeu de miroirs qui invitent à déambuler dans son imaginaire. Chaleureux !

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