La relation entre Mathilde et sa jument Dauphine relève d’une belle complicité. Une passion qui débute pour la très jeune cavalière à l’âge de 4 ans, jamais interrompue depuis. La grande bouffée d’air du week-end pour cette doctorante en histoire de l’art qui partage son temps entre la recherche et l’enseignement. La jeune scientifique habituée à travailler sur des périodes antérieures (elle est spécialiste de l’art médiéval), a un regard affûté sur la période actuelle.

Elle est née à Guingamp, a grandi en Bourgogne, et est venue aux Herbiers à l’âge de 8 ans. Sa famille, originaire du canton de Mareuil, a beaucoup déménagé pour le travail. Sa tante et son oncle lui offrent ses premiers cours d’équitation. « Cela a beau être apparenté à un sport individuel, c’est avant tout un duo avec ce compagnon qu’est le cheval. Il m’apporte bien plus que ce que je lui apporte ». Entre l’homme et l’animal, le langage revêt des codes différents. « Si tu montes un cheval en étant en colère, rapidement il va être nerveux. Ou stressé si toi tu l’es. C’est très fort et ça m’amène à reconsidérer parfois les relations humaines. Le langage corporel est très complémentaire de la communication verbale ». L’équitation pour Mathilde, outre le plaisir de la balade au grand air, est aussi l’occasion de bonnes remises en question.

Elle est plutôt du genre ‘réfléchi’. « Petite je ramassais des pierres d’aucune valeur en disant que je voulais être archéologue ». C’est pourtant dans les disciplines scientifiques qu’elle se distingue durant son parcours scolaire en faisant un Bac ‘Sciences de l’Ingénieur’. « Je ne me voyais pas poursuivre cette filière. Lors de l’expression de mes choix pour l’Université, je n’ai renseigné qu’une option : Histoire de l’Art. J’avais aimé l’intervention d’une étudiante venue présenter son parcours. J’ai surtout adoré un voyage d’une dizaine de jours à Florence avec ma mère. Je pratique la peinture. J’aime l’histoire, la science ; l’histoire de l’art en est le condensé, le mélange de tout ce que j’aime. Après la licence et le master, j’entame un doctorat à l’Université de Nantes ».

Cette discipline tournée vers le passé oblige à faire abstraction de notre perception contemporaine. « On ne peut pas lire l’histoire grecque avec notre œil d’aujourd’hui. A Florence, j’ai eu cette sorte d’épiphanie qui m’a transportée 500 ou 600 ans plus tôt dans la peau de personnes qui vivaient une période extraordinaire, à cheval entre le Moyen-Âge et la Renaissance. Ça m’a inspirée ». L’objet de ses recherches relève de la compréhension sociale de l’art. « Pourquoi et comment ils l’ont fait ? Les historiens fondent leurs recherches sur des textes ; les archéologues sur des vestiges ; nous, c’est à travers l’art. L’ensemble permet d’avoir une meilleure compréhension de la période étudiée ».

Enseigner l’art médiéval dans le cadre de travaux dirigés à un public quasi du même âge ne l’effraie pas. « Le fait d’avoir écrit un mémoire fait la différence, une étape que les élèves n’ont pas encore franchie à la sortie de la licence où ils ont surtout engrangé un tas de noms et de dates. Durant le master, il y a un vrai travail personnel de recherche ». Son sujet de prédilection est l’architecture religieuse flamboyante en Bas-Poitou. « Mon église fétiche c’est Notre-Dame de Fontenay le Comte avec cette grande flèche et ses magnifiques portails. Je lui ai dédié mon mémoire. Les trois églises des Herbiers ont aussi été reconstruites à cette période ». Enseigner est un exercice qui apporte de la maturité. « On en ressort plus grand ».

Que diront les historiens dans 20 ou 30 ans de la période que nous traversons ? « Impossible d’avoir une vision globale ; nous expérimentons… ». Elle se considère chanceuse d’avoir 20 ans en 2020. « J’ai eu un soutien psychologique et financier de mes parents, ce qui n’est pas donné à tout le monde. Tous les étudiants n’ont pas eu cette chance ». La question du futur la hante sans la traumatiser. « On ne peut pas faire autrement que de se référer aux générations précédentes, tout en sachant que ce sera différent. Chaque génération se pose peut-être ces mêmes questions. Celle de mes parents me semble enviable sans que je sache si j’aurai la possibilité ou l’envie de faire de même dans un monde qui sera forcément différent. Les défis d’aujourd’hui ne sont pas les plus simples à relever ».

La crise climatique reste le défi majeur. « Quels que soient les avis politiques, nous les jeunes, on est tous d’accord sur l’urgence de ce sujet. Ce sera dur de rogner sur un certain confort, de faire des efforts… ». Elle voit dans les réseaux sociaux un autre défi. « Le meilleur côtoie le pire, au point de crisper les relations humaines au quotidien. Il faudra réguler cela d’une manière ou d’une autre ». La pandémie accentue cette cristallisation. « Des gens se mettent à faire des choses auxquelles ils n’avaient pas pensé avant. Ils se lancent, expérimentent. C’est le bon côté. Mais a contrario, les réseaux sont aujourd’hui le réceptacle de beaucoup de violences ». Les bonnes résolutions du premier confinement se sont-elles évaporées ? « Dès que les restrictions ont été levées, on a repris les mauvais réflexes. C’est décevant. Il y avait peut-être une opportunité à saisir dans cette situation difficile, créer quelque chose de mieux. ».

Son jeune parcours est déjà jalonné de rencontres marquantes. « Ma professeure de mécanique en Sciences de l’Ingénieur avait un caractère incroyable. Son statut de femme chercheuse et enseignante m’a inspirée ». Son actuel directeur de recherche, Jean-Marie Guillouët, lui a mis le pied à l’étrier pour son mémoire. « Grâce à lui, j’ai pris un plaisir énorme à réaliser ce travail ». Autre rencontre, et pas des moindres, sa jument Dauphine. « Elle a transformé ma vie de bien des manières ». Ceux qui restent les plus influents à son égard sont ses parents. « J’ai grandi avec beaucoup d’amour. Ils m’ont transmis leurs valeurs, dont celles du respect d’autrui et de l’humilité ».