Bruno est le dernier-né à LUCON, d’une famille de 18 enfants.
Il habite Benet, originaire de Sainte Radegonde Des Noyers dans le marais poitevin, il garde une certaine nostalgie de cette période qu’il décrit avec tendresse et un brin de malice. Les journées étaient rythmées selon les travaux de la ferme, avec le cheval Bidule. Il a évolué vers la musique qu’il ne sait toujours pas lire. C’est l’auteur de la « Cave à Roger », un titre qui a connu un beau succès, qui confirme surtout son sens de l’observation fine.
Dix-huit enfants ! « On vivait simplement. C’était joyeux. Il n’y avait que trois pièces dans la maison. Une chambre avait été aménagée dans l’écurie pour les plus vieux. Une autre dans le grenier pour les filles. La porte de la maison était toujours ouverte. On accueillait tout le monde. Ma mère gardait les enfants des voisins, en plus de faire quelques travaux pour la ferme ». La décharge publique n’était pas loin de la maison familiale. « On découpait des capots de voiture tranchants pour en faire des barques sur la marre ; on ne savait même pas nager ! ».
Le frère ainé fera le petit séminaire de Chavagnes en Paillers, où il apprit l’Orgue. « Mon père avait dit, on en fera un curé »… Finalement, il a pris la responsabilité d’une Concession Renault à Saint Nazaire. Je voyais plein d’instruments de musique chez lui. Ma mère était aussi musicienne. Elle jouait de l’harmonium, le dimanche à la messe. Le jour où elle m’a appris ‘Au clair de la lune’ sur le clavier, j’ai su ce que je voulais faire. Mon père me répétait : je ne t’empêcherai pas d’en faire, mais « olé pas un métier ».
Alors Bruno sera d’abord menuisier pendant un an. « Ça s’est très mal passé. Quand j’ai serré la main du menuisier, j’ai vu qu’il lui manquait des bouts de doigts ; pas bon pour la musique ça. Alors mes parents m’ont trouvé une autre école : tu seras soudeur. Là déjà, on travaillait avec des gants ». Il décroche son CAP, exerce le métier durant dix ans, histoire de mettre un peu d’argent de côté. « J’ai pris la décision de tout arrêter. J’ai acheté une sono, pris le statut d’intermittent ; c’était parti ». En mode orchestre, ou en solo. « On a même monté un groupe rock avec les copains. Aujourd’hui, j’ai au minimum une date par semaine ».
Il raffole de chansons à texte. « Brel, Brassens…je ne cherchais pas à comprendre leurs paroles, juste leur façon d’interpréter. Brel me donnait des frissons par sa présence sur scène ». Ses goûts musicaux sont larges. « J’aime aussi ACDC, moins les musiques urbaines. J’aime aussi ce qui est plus traditionnel ». Il écrit ses chansons. « Mes frères, en écrivent aussi, que je mets en musique. J’ai trois albums que j’ai enregistrés dans le studio de Jean-Luc Ouvrard, un virtuose de l’arrangement ». L’ambiance des villages et la vie quotidienne des gens l’inspirent. « Quand j’étais soudeur, j’ai travaillé à Sainte Cécile, dans le bocage. Le premier jour on m’a fait visiter les caves du coin. Je suis rentré à trois heures du matin, les lèvres violettes d’Oberlin… ». C’est ce périple qui lui a inspiré la ‘Cave à Roger’. « Une chanson écrite en moins d’une heure. J’en ai fait une autre sur la vie associative, comme je suis souvent invité par des assos, truffées d’anecdotes cueillies ici ou là ». Bruno est fin observateur du comportement humain.
Il s’inquiète pour son travail. « J’ai peur que les restrictions liées à la pandémie durent, et je crains pour mon travail ». Le premier confinement l’a plutôt amusé. « Le deuxième, pas du tout. Heureusement j’ai été rappelé par les pompiers alors que j’avais pris ma retraite de sapeur après 25 ans de service, pour des bricoles, dépanner, emmener les camions. Au final, j’ai beaucoup travaillé dans les centres de vaccination du département, les services pharmacie, les transmissions ». Il redoute la prise de parole présidentielle. « À chaque fois, ce sont des contrats qui s’annulent ».
Bruno aime les paroliers locaux. « Mon père m’avait offert le livre du barde poitevin Yves Rabaud. J’avais du mal à comprendre le patois, mais quand Rabaud parlait, je comprenais. J’aime Jaulin également. Ça me transporte ces histoires ».
Il est marié, papa d’une fille de 18 ans. « Elle est très branchée réseaux sociaux. Il y a eu des histoires qui se sont mal terminées. Ça l’a fait réfléchir ». Il fait le parallèle avec son époque. « Il ne faut pas refuser la modernité, mais il ne faut pas oublier ce que faisaient nos anciens ». Lui ne les oublie pas. « Je vais voir un petit grand père dans le marais qui vit seul, la cheminée allumée en permanence avec la soupe. Il a bientôt 95 ans et il ne faut surtout pas lui parler de la maison de retraite ».
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