La musique occupe une place centrale dans la vie de Karim, depuis qu’à l’âge de 12 ans il s’est vu offrir une guitare par ses parents. Il craint un temps ne pas pouvoir en faire un métier. Alors il entreprend des études pour être professeur des écoles. Il débute dans la vie active en étant surveillant de collège en REP ‘Réseaux d’Education Prioritaire’. Il fera ça durant quatre ans, avant de repiquer à son rêve de gosse.

Être assistant d’éducation l’a marqué. « C’est un métier dénigré, de ‘glandeurs’ aux yeux de certains. Moi je trouve que les assistants sont des gens indispensables dans ces collèges ». Les situations de détresse sont nombreuses pour ces enfants parfois issus de familles où ils ne trouvent pas leur place, quand d’autres couchent à cinq dans une même chambre. « Il y a vraiment des cas difficiles. Ces jeunes ont besoin de repères. Je suis devenu le référent de quelques-uns. Ça a été mon premier métier ; j’avais une vraie utilité dans ce travail ».

L’envie de faire de la musique trotte toujours dans la tête de Karim. « J’ai pensé que c’était le moment. Il fallait que je me lance ». Il arrête d’être surveillant en septembre 2019. Quelques mois plus tard ce sera le premier confinement et la pause culturelle qui compromet ses projets dans un premier temps . « Il m’a fallu trouver des petits boulots. J’assure des surveillances de nuit pour des personnes en situation de handicap ». Il reste confiant. « Je souhaite vivre de la scène et poursuivre le lien entre la musique et le jeune public ».

Le projet qui lui tient le plus à cœur c’est Omahas, sa formation rock. « Dans ce groupe, je suis guitariste, compositeur et interprète. Je joue avec mon frangin et un autre qui n’est pas mon frère mais c’est tout comme ». Il conduit également un projet rap sous le nom Kid Kaméléon ; un autre avec son pote Mathieu. « En France, on a la chance de pouvoir vivre de cette passion grâce au statut d’intermittent. Il faut assurer un certain nombre d’heures, 507 par an. C’est précaire, mais on peut vivre sans être un gros artiste. C’est bénéfique pour la culture, un truc de premier plan pour moi ».

L’épreuve la plus difficile de son existence est la disparition de sa mère lorsqu’il avait 14 ans. « Ça peut paraître bateau, mais ça m’a vraiment fait prendre conscience de la valeur de la vie. En faisant le choix de vivre de la musique, c’est justement faire en sorte de ne pas avoir de regrets. Je n’ai pas envie de rentrer dans une case pour faire plaisir à je ne sais qui ». Non seulement Karim n’a pas de regrets, mais la scène lui apporte de fortes émotions. « Mon cerveau décroche, je saute partout. Qu’est-ce qu’il y a de plus engageant que d’aller déballer ses tripes en face de gens qui sont là pour t’écouter ? ».

Lui qui se dit plutôt optimiste regarde le monde avec circonspection. « Dans mon projet rap il y a vraiment une fonction cathartique. Sans être tire-larmes, ce n’est pas vraiment joyeux. Les gens courent après je ne sais quoi ? le savent-ils eux-mêmes ? En psycho il y a un concept, celui de la dissonance cognitive. L’écart entre le monde idéal et la réalité est dissonant ». Il n’est pourtant pas fataliste. « Je me lève tous les matins avec le sourire. Je n’ai pas envie d’écouter ma raison qui peut douter parfois ». Il remarque une vraie prise de conscience. « Les gens ne peuvent pas dire qu’ils ne voient pas ce qui se passe. Les responsables commencent à être montrés du doigt ». Il déplore la culture de la compétition, de la richesse, de la consommation. « Je joue toujours avec la même gratte, celle offerte par mon père. Elle me tient à cœur et sonne toujours bien ». Il ne comprend pas non plus les gens qui font des enfants et consacrent leur vie au boulot. « Ça ne me dérangerait pas d’être un père au foyer ». Pour l’heure Karim n’a pas d’enfant et il vit avec Noémie qui travaille dans la diffusion artistique.

Le groupe qui recueille sa faveur est ‘Uncommon Men From Mars’. « Ils ont quitté un gros label pour rester en accord avec leurs valeurs. Ils sont gênés qu’on les aime autant. C’est le groupe qui m’a le plus influencé et j’ai eu la chance de chanter leurs chansons avec eux ». À une autre échelle, il est tombé sous le charme depuis longtemps de Dave Grohl, le batteur de Nirvana. « C’est le musicien le plus cool de la scène américaine. Il est apprécié pour sa simplicité et son talent ».

Karim apprécie les bons moments entre potes. « Se garder du temps pour vivre est plus important que n’importe quelle carrière. Les relations avec les amis, il n’y a rien de tel pour lâcher du lest ! ». Il répète à qui veut l’entendre son message. « Ouvrez-vous, soyez positif. C’est une des grosses clés dans ce monde complexe ».