Après 17 ans de service, Audrey laisse tomber l’uniforme pour ouvrir un salon de tatouage. Une décision non prise à la légère, qu’elle savoure aujourd’hui. Originaire de Paris, elle habite depuis plusieurs années la Bruffière, mère de 4 enfants, épouse d’un mari cheminot. Avec ce nouveau job, celle qui a commencé sa carrière de police à l’Elysée, a trouvé une vie plus stable.
Elle est entrée dans la police par vocation. Et par détermination. « J’ai fait un AVC à 17 ans. J’ai été très malade. L’angoisse s’empare de toi à ce moment-là. Je n’ai pas pu passer mon bac. Et surtout c’était rédhibitoire aux yeux de l’Administration pour rentrer dans la police. Il a fallu que j’aille au Tribunal Administratif défendre mon dossier. J’ai gagné ».
Elle débute sa carrière à l’Elysée, à l’époque de Jacques Chirac. « Quand il passait, il s’arrêtait toujours pour nous saluer chaleureusement. Ce n’est pas une légende ». Audrey aura la faveur d’assister à la Garden-party du 14 juillet. « Les jardins du palais présidentiel sont magnifiques ». Elle déplore cependant quelques excès. « D’un côté du mur, il y a les SDF qu’on empêche d’accéder aux poubelles ; de l’autre côté, il y a un peu de gâchis ». Une anecdote ? « Quand on assurait la garde on avait la possibilité d’acheter la bouteille de champagne aux couleurs du Président. Je venais de faire la connaissance d’un tatoueur aux Halles qui m’a dit : « si tu me ramènes une bouteille, je te fais le tattoo que tu veux ». Un clin d’œil à son futur métier ?
Audrey travaillera ensuite en commissariat. « Je recevais les plaintes des victimes. Cela devenait pour moi de plus en plus lourd. Je me sentais seule face à tant de détresse. Il faut le gérer émotionnellement. Rentrer chez soi, dans sa famille, avec ces situations accablantes en tête me rendait triste ». Au bout de 17 ans de carrière, se considérant pas suffisamment soutenue, elle craque. « J’ai fait un gros burnout et je me suis retrouvée en arrêt ». Une période difficile, propice cependant à la réflexion qu’elle partage avec Yann son mari. « Je me suis dit : c’est le moment ou jamais. Sans mon mari, je n’aurais peut-être pas été au bout ».
Audrey a eu son premier tatouage à 19 ans. « J’ai toujours été intéressée par l’art avec une grande passion pour les impressionnistes mais également les expressionnistes ». Considérant ne plus avoir rien à perdre elle se lance. « J’ai d’abord fait des tests sur des peaux synthétiques ». Elle aménage une pièce dédiée répondant aux normes, favorisant l’intimité. « Je discute beaucoup avec les client-e-s. J’y vais avec douceur, sans stress, mettant tout en œuvre pour que la personne garde un bon souvenir de la séance qui peut durer jusqu’à 3 ou 4 heures ». La crise sanitaire apporte son lot de contraintes qu’Audrey négocie au mieux. « Je suis très contente des premiers mois ».
Le phénomène du tatouage prend de l’ampleur depuis plusieurs années. « Les femmes sont plutôt dans une démarche d’ornement de leur corps, pour l’habiller esthétiquement ou cacher une cicatrice. L’homme recherche souvent une signification différente, un moyen de s’affirmer en fonction de son tempérament, ou à travers une passion, comme le van Volkswagen que je dessine de temps en temps ». Les tattoos hommage sont également très demandés. « Une cliente m’a envoyé la photo de sa main, tenant celle de son grand-père en fin de vie, me demandant de la reproduire ». La demande est tantôt précise, tantôt assez floue. « Je les aide à préciser. Ce dialogue préalable est un moment que j’apprécie particulièrement ».
Ce goût de la relation à l’autre, Audrey l’exerce aussi à travers une émission de radio qu’elle anime avec son mari. « Nous avons rencontré Guillaume Benoit de Dig radio à l’occasion d’un festival que nous avions monté à la Bruffière. Il nous a proposé cette heure musicale sur son antenne. Cela fait 4 ans. On reçoit des invités. C’est très riche ».
Elle déplore dans la société un égocentrisme croissant chez les gens. « Il y a de plus en plus de clivages, d’idées reçues. A côté de ça, il y a plein de gens ouverts, animés par le bien ». Elle dénonce aussi un climat qu’elle considère anxiogène. « La télé qui égrène chaque jour le nombre de morts, c’est terrible pour le moral ».
Le parcours d’Audrey résume sa devise : « Ne jamais baisser les bras ». Le plus dur est de prendre la décision. « Il y a un moment où il faut se mettre un coup de pied au cul ». Dans la police, on demande l’autorisation de démissionner. « Quand elle m’a été accordée, j’ai pleuré dans les bras de mon mari en éprouvant un grand sentiment de liberté. Tout allait couler de source ! ».
Très belle histoire, très touchante… Une inspiration et une force de la nature ! Bravo à elle !
Waouh! Bravo 👏belle jeune dame ! Quel beau parcours !