Le nom du village prête à sourire. Pissotte est le nom d’une appellation viticole à part entière « Fiefs Vendéens Pissotte ». On prétend que Richelieu en faisait  venir à l’évêché de Luçon. Des 150 hectares de vignes au début du siècle dernier, il en reste 22 sur un seul domaine : la propriété Coirier, où on se succède sur quatre générations. Xavier Coirier a transmis à son fils en 2013.

La famille de Xavier s’est installée en 1895 et venait de St Maurice des Noues. « Les familles du bocage étaient nombreuses. Il n’y avait pas assez de terres pour les enfants. Mes aïeux se sont installés juste après le phylloxéra, l’opportunité d’avoir un domaine un peu moins cher je suppose ». Son père reprendra l’affaire familiale à l’âge de 17 ans, le grand-père étant revenu de la Grand Guerre les poumons intoxiqués. « Je me souviens qu’il était vexé de n’avoir pu passer la deuxième partie de son bac. Il considérait que c’était son devoir d’épauler son propre père ». Xavier Coirier s’installe avec son frère en 1976. « Mon frère a fait le choix d’arrêter en 1987. J’ai continué avec mon épouse. Notre fils Mathieu prolonge la lignée depuis que je suis à la retraite ».

Chez les Coirier, la qualité est une priorité. « Je me souviens de mon père quand il disait que les intrants ça coûtait cher et c’était de la saloperie. C’est un choix difficile, souvent au détriment de la quantité. Nous avons testé le bio peu de temps après notre installation, mais ce n’était pas adapté. Nous ferons de nouveaux essais en 2000, toujours avec la préoccupation de travailler le plus naturel possible. Depuis 2016, mon fils s’y tient. Ça reste un challenge ».

La vigne est un métier exigeant. « Il y a le terroir, les cépages, les hommes ». Au départ de son frère, Xavier se souvient avoir eu quelques sueurs froides. « Lui qui était méticuleux était aussi particulièrement attentif à la cave. Il faut mettre du sentiment, de l’émotion pour faire un bon vin. Est-ce que j’en étais capable ? Au bout de deux ans, j’ai eu des médailles. C’était un soulagement et une vraie satisfaction ».

La réputation des vins vendéens méritait d’être dépoussiérée. « Mon père était déjà parti sur des vignes de qualité, des cépages nobles : chenin, gamay, cabernet et pinot noir. Il faut du temps pour se faire une réputation ». L’appellation est le chemin de la reconnaissance. « On a beaucoup travaillé pour être d’abord VDQS, puis AOC en 2011 ». Un travail collectif au sein du syndicat, qui regroupe tous les fiefs vendéens, où la famille Coirier s’implique. Mathieu en est aujourd’hui le président. La presse spécialisée et parisienne fait aujourd’hui l’éloge du domaine Coirier. Quand il s’agit d’en vanter les mérites, Xavier qui se dit piètre commercial est pourtant intarissable. « Beaucoup de vignerons font du bon vin aujourd’hui ».

Transmettre sa passion, quand bien même il s’agit de son fils, n’est pas si simple. « J’étais très fier quand il est revenu au domaine après avoir tenté autre chose. Mais je ne veux pas que cette fierté soit un poids pour lui ». Xavier s’efforce à rester discret, ne pas gêner, ne pas être dans le jugement. « Peut-être qu’il ne m’a peut-être pas encore tué, comme on dit. Je me souviens avoir eu le même questionnement lorsque je prenais la relève de mon père. Je trouve qu’il se débrouille très bien ».

Les débouchés se ventilent entre la vente directe et la distribution. « Quand tu es en relation directe avec le client, tu signes quasiment ta bouteille devant lui. C’est plus engageant que lorsque tu mets le vin à la citerne. Il faut juste trouver le bon équilibre entre le métier de vigneron et celui de commerçant. Tu ne peux pas être partout ».

Voilà 7 ans que Xavier Coirier est à la retraite. « Ma vie professionnelle a été une telle passion qu’elle a pris le pas sur d’autres centres d’intérêt ». Pourtant, il a le sens de la collectivité, le sens des autres. « J’ai été maire de la commune pendant six ans et je suis toujours conseiller municipal. J’aime la vie locale. Je retrouve avec plaisir d’anciens maires au sein de l’association du même nom, portée notamment par des femmes. Il y a là des gens extraordinaires qui ont une générosité, une abnégation, un sens aigu de l’engagement et de la chose publique. J’aime cet état d’esprit. On intervient dans les écoles primaires au moment des élections de délégués de classe pour expliquer le rôle de l’élu ». Xavier sait de quoi il parle. « J’ai de l’admiration pour les gens qui contre vents et marées donnent beaucoup de leur vie ».

Son regard sur les nouvelles générations est teinté d’une légère inquiétude. « Je pense que les gens deviennent plus consommateurs qu’acteurs de leur vie. Le matérialisme prend beaucoup de place ». Avant de se raviser. « Il y a aussi de très beaux témoignages de gens qui se donnent, notamment dans l’associatif ».