Par la volonté de son propriétaire Alain Durante, le logis de Chaligny sur la commune de Sainte Pexine, offre un témoignage précieux de l’architecture de la Renaissance en Bas-Poitou. Les bâtisses et les jardins sont remarquablement reconstitués. Un travail de restauration colossal et minutieux qui vaut l’admiration de nombreux visiteurs à l’occasion d’un concert, d’une exposition… Alain Durante tient à en faire un lieu ouvert au public. « Le meilleur moyen de préserver ce joyau ».

Né dans un village médiéval de la région niçoise, Alain Durante est issu d’une famille d’horticulteurs. « Très tôt imprégné de jardins et d’architecture, je dessinais, à l’âge de 5 ans, le profil de la colline avec le château. J’avais les dispositions pour devenir architecte, mais mes parents d’origine modeste n’avaient pas les moyens de financer des études aussi longues. J’ai continué au lycée de Nice puis j’ai réussi à entrer à HEC ». À 20 ans, il regagne la capitale qu’il ne quittera plus, si ce n’est pour venir à Chaligny où il réside aujourd’hui. Il mène en parallèle sa carrière professionnelle et ses diverses passions. « Sans avoir fait d’études dans le domaine, l’architecture est restée une réelle passion. Comme les jardins ou la musique. J’ai pratiqué le piano durant 15 ans et j’ai la passion des beaux-arts ». Autant de centres d’intérêts qui vont jalonner sa vie, Chaligny en étant aujourd’hui le condensé, l’aboutissement pour cet octogénaire qui se considère comme le maillon d’une chaîne. « J’aime redonner la vie à des choses ou des lieux qui l’ont perdue. Il n’y a pas si longtemps que j’ai vraiment pris conscience que ce besoin de restauration était vital pour moi ».

Fort de sa formation économique, il choisit d’investir en arrivant sur Paris, plutôt que louer. « J’ai acheté à Montmartre en rez-de-chaussée deux petites pièces qui donnaient sur une cour privée que j’ai transformée en jardin ». Il réalise lui-même une partie des travaux. Il achète et revend à six reprises durant 40 ans. Sa sensibilité pour l’immobilier à restaurer, mais aussi le flair pour repérer des biens à potentiel signeront quelques jolis coups comme ce dernier appartement acheté. « Un local artisanal du XVIIe siècle situé place des Victoires. J’ai insisté pour que le maçon casse les corniches ; nous avons découvert 150 m² de plafonds peints avec volutes et guirlandes de fruits. Le tout datait de 1640 ». Une découverte sensationnelle pour ce restaurateur dans l’âme. « Sans doute un besoin d’appartenance au passé ».

L’heure de la retraite finira par se faire entendre pour le secrétaire général d’un grand groupe bancaire qui avait aussi occupé la fonction de DRH. « Je donnais des cours de préparation à la retraite. Les gens qui n’ont rien prévu et qui se retrouvent seuls après toute une carrière peuvent être mal. Moi j’ai voulu préparer ce moment-là et trouver un projet immobilier avec une quarantaine d’années de travaux ». Plutôt que courir les agences, il rédige le cahier des charges de sa maison idéale. « Un gros programme de restauration, à 4 heures de Paris pour pouvoir faire un aller-retour dans la journée. Je voulais aussi retrouver les parfums de mon enfance méditerranéenne avec le soleil, la mer, la pierre calcaire, les tomettes… ». En l’espace de 5 mois, il reçoit 300 propositions. Une vingtaine s’approchent de son cahier des charges. Dont Chaligny reçu 3 fois. « C’est seulement à la troisième proposition que j’ai commencé à porter un intérêt à cet endroit. Le notaire m’avait envoyé une très jolie photo de la cour. J’ai visité une dizaine de demeures entre Loire et Garonne ; celle-ci était la dernière. De loin, ça m’a fait penser à une maison de Toscane moi qui suis d’origine italienne. L’état de délabrement n’était pas pour me déplaire, au contraire. La cour fermée était intéressante. Quand la porte du logis s’ouvre, je découvre l’escalier à mur d’échiffre de mes rêves, des portes et boiseries à restaurer. Une véritable illumination ». Restait la mer à découvrir pour celui qui ne connaissait pas la côte vendéenne. « Le notaire m’envoie aux Sables. Je n’en revenais pas devant cette mer bleue et calme. Je retrouvais la baie des Anges ».

Le notaire adresse les plans pour qu’ Alain Durante commence à travailler sur les jardins et déjoue un projet de lotissement qui constituait une enclave sur la propriété. « Chemin faisant, j’ai fait la connaissance de Marc Barbaud, responsable des jardins des Serres d’Auteuil, puis des jardins de l’Elysée. Il m’a rejoint lorsqu’il a pris sa retraite. Sans lui, les jardins ne seraient pas ce qu’ils sont. Nous nous sommes répartis la tâche, lui avec sa solide expérience, moi avec mes notions d’horticulture ». À l’âge de 10 ans, Alain commandait déjà ses graines. « Les recherches à la mairie nous ont permis de retrouver le cadastre napoléonien figurant le parcellaire très précis du bois et des jardins.  Un travail dantesque nous attendait. Avec l’aide d’un historien des jardins tout a été recomposé : les différents jardins, les alignements d’arbres et les allées, les différentes essences, la fruitière aux fruits secs (noisettes, châtaignes, noix), etc. ». Le bois d’origine de 7 hectares retrouve aujourd’hui son plus bel éclat avec ses charmilles et les piliers de pierre de son entrée principale.

Cette restauration est un véritable aboutissement pour ce passionné qui, parallèlement à sa vie professionnelle, a été antiquaire 15 ans, spécialisé dans les tableaux. « Toutes ces passions m’ont conduit ici. On arrive à un stade où le domaine n’a probablement jamais été aussi beau ». Celui qui répète à l’envi qu’il n’est qu’un maillon ne veut pas garder ce joyau pour lui seul et ses proches. « Je ne connaissais personne en Vendée quand je suis arrivé. Je me suis investi dans toutes les associations autour du patrimoine en prenant des responsabilités. J’ai fait une grande fête réunissant parisiens et vendéens qui m’a demandé près d’un an de préparation. Je voulais abattre ma carte de visite, montrer ce que nous avions et voulions réaliser. Ce domaine je l’ouvre au public depuis plus de 15 ans à travers de nombreux évènements. C’est la seule façon de le protéger en amenant les visiteurs à prendre conscience de son intérêt et le préserver des diverses agressions environnementales ».

Aujourd’hui il se sent pleinement intégré. « Je me suis rendu compte que j’ai le caractère d’un vendéen. Avec deux facettes très importantes qu’on ne rencontre pas partout : l’entraide et la convivialité d’une part. L’esprit d’entreprise par ailleurs. Les exemples de PME devenues de très grandes entreprises ne manquent pas en Vendée. Je considère que ce que nous avons fait ici relève d’une petite PME ».

En conclusion, Alain Durante invite tous ceux qui possèdent une maison ou un jardin qui peuvent intéresser le public à l’ouvrir. « Lorsque les gens voient, ils comprennent l’intérêt. Quand on prend conscience de la valeur patrimoniale d’un lieu, on le respecte ».

Les rencontres du Patrimoine et de la Création qui s’y déroulent depuis dix ans ne pouvaient trouver meilleur écrin.

http://jardindechaligny.wordpress.com