Le métier d’agricultrice est pour Marie-Françoise une vocation apparue au plus jeune âge. Pas pour rester enfermée dans son exploitation, bien au contraire. L’une de ses occupations majeures aujourd’hui, c’est d’être clown, bénévolement, pour accompagner des personnes malades ou des résidents en EHPAD. Elle raconte avec dignité et tendresse les épreuves qu’elle a traversées. Son sourire et son approche positive des situations semblent inexorables.

Marie-Françoise est travailleuse familiale (TISF) lorsqu’elle rencontre son mari, agriculteur à Saint Fulgent. Elle qui aimait conduire le tracteur ou aller aux nids avec ses frères fait figure du ‘garçon manqué’. Elle s’est toujours vue à la ferme. « Sauf que chez nous, nous étions 10 frères et sœurs. Avec 4 grands frères, j’ai dû rester aider maman. J’ai suivi la formation pour être TISF à Thoiry. Moi qui n’étais jamais sortie de mon trou, c’était une aubaine. J’y ai rencontré des gens de toute la France, génial ».

Son mari est fils unique. « J’arrivais d’une famille de 10 enfants, ça m’a fait drôle d’arriver chez lui. Il y avait sa mère et la chienne. J’avais vu tout le monde ». Elle arrête son métier pour trouver une activité sur la ferme. « Je voulais faire ma place. Nous avons construit une maternité porcs dont j’avais la responsabilité. J’ai toujours considéré que cette production, bien qu’industrielle, était utile puisqu’elle contribue à nourrir les gens ». Une façon de s’affirmer vis-à-vis de sa belle-mère. « Elle travaillait sur cette ferme depuis l’âge de 10 ans d’où cette attitude de matriarche. C’est une femme que j’admirais malgré tout ; elle m’a beaucoup appris ».

C’est une ferme où l’on travaille avec passion et bonne humeur. Puis, l’accident de son mari sera un tournant. « Il tombe d’un toit, 15 jours d’hôpital, remise en question. C’est reparti pour un tour. Notre fils arrive sur l’exploitation qui compte 3 salariés. Marcel est malade. Pendant 2 ans, mener l’exploitation en accompagnant la maladie, c’est difficile ».

En peu de temps, sa mère et sa belle-mère disparaissent. « Je me suis dit : mais pourquoi partent-ils tous ? Ils me laissent de la place ; sans doute parce que j’ai quelque-chose à faire ?  J’ai regardé autour de moi. J’ai moi-même participé à un groupe de paroles, pour prendre soin de moi. J’ai eu à mon tour envie de faire ça avec JALMALV. Une formation m’engageait à être bénévole pour 2 ans, c’est-à-dire accompagner les personnes en fin de vie, à l’hôpital ». C’est à l’occasion d’une assemblée générale qu’elle voit un clown intervenir. « Je me suis dit : j’ai confiance en la vie ; il faut que je fasse ça ». Elle fait une nouvelle formation pour devenir clown. « Nous intervenions en tant que clowns en pédiatrie, mais depuis le COVID ce n’est plus possible. Nous allons principalement en EHPAD désormais. Chanter la ‘pêche aux moules’ avec un malade Alzheimer c’est génial. Le clown vit le moment présent, il n’a pas de passé, pas de futur, il est humble. Il n’a pas de solution. Il est fragile, vulnérable. Comme les personnes à qui on s’adresse. C’est pour ça que ça passe. Par les rires ou les pleurs, les émotions sont très fortes. Nous sommes des clowns ‘accompagnants’ » Le clown apporte un moment de vie, rallume l’étincelle pour faire oublier un instant la solitude, la douleur.

Marie-Françoise continue de se former à Paris à plusieurs reprises pour accompagner les personnes en deuil, seules ou en groupe, toujours à Jalmalv. « On offre aux personnes ayant perdu un proche, un moment, une écoute, un lieu où l’on peut parler de la mort, ce sujet si tabou. On écoute avec bienveillance les ressentis, les émotions. On les aide à découvrir leurs ressources personnelles, pour qu’ils retrouvent leur énergie de vie. On a tous du potentiel ».

Marie-Françoise vit des moments extraordinaires, que ce soit à Jalmalv, ou à « clowns et vie » « J’ai foi en la vie, en l’Homme. J’ai plutôt rejeté la religion que je trouve angoissante. Chacun a une force en lui ». Elle croit cependant à l’au-delà. « Je suis attentive à un certain nombre de signes. Son personnage de clown, qu’elle accompagne à l’orgue de barbarie, s’appelle « Vazy ». « C’est mon mari qui souvent m’encourageait en utilisant cette expression : Vas-y ».

Depuis qu’elle est toute petite, Marie-Françoise a fait de l’humour son allié. « Enfant j’étais très timide. Avec l’humour, j’ai réussi à mieux communiquer. Plus tard, ça m’a aidé dans beaucoup de situations. Ma belle-mère avait aussi cette arme du rire. Et bien sûr, aujourd’hui, l’humour me sert dans mon personnage de clown ». Elle recommande l’engagement pour aider les plus démunis. « Toujours avec une certaine légèreté. J’aime bien ceux qui font les choses sérieusement, sans se prendre au sérieux ». Faire le clown en somme !