Garden staging…késako ? Il suffit de passer quelques instants avec Jocelyn Baudry pour qu’il vous explique avec une belle philosophie la façon dont il envisage le relooking d’un jardin. « Cette nouvelle pièce à vivre de mai à septembre a pris une place encore un peu plus importante depuis la pandémie ». Cette aventure entrepreneuriale est pour lui la réponse à un épuisement professionnel. « À 48 ans, j’ai envie de donner du sens à mon travail à travers les expériences que je peux partager avec des gens, eux-mêmes acteurs de la transformation de leur jardin ».

Originaire de Doué la Fontaine, Jocelyn vient en Vendée en 1996. « Je suis un rapporté grâce à mon épouse Agnès, originaire de Tiffauges. Depuis plus de 20 ans, j’apprécie l’humanité des gens d’ici, la simplicité des relations, l’attachement à la terre ». Une fois le BTS en poche, et après avoir fait son armée dans la gendarmerie, le jeune technico-commercial en horticulture débute la vente chez un grossiste, dans la région nantaise. Le jeune couple achète à Cugand, fait construire à la Bernardière pour finalement craquer devant une belle bâtisse à la Bruffière il y a 13 ans.

La vente en gros avec ses objectifs et ses marges ne l’emballe guère. « J’ai intégré l’entreprise familiale de Michel Dequippe spécialisée dans le paysage d’intérieur, pour des centres commerciaux, et aussi des paquebots, Queen Mary, Millenium…L’affaire a été reprise par un groupe dans lequel j’ai évolué d’abord en chargé d’affaires, puis responsable commercial, pour devenir directeur d’agences il y a 6 ans, avec les dépôts de Nantes et Bordeaux, 43 salariés ».

L’activité est intense et en 2020 la pandémie ajoute sa part de tension. « Le 5 février 2021 je suis tombé, plus de force, plus rien. Il y avait des signes avant-coureurs. Je ne les ai vus qu’après. Le diagnostic était sans appel : épuisement professionnel, burn-out ». S’en suit une période de dépression avec un bon suivi médical et psychologique. « On m’a dit ‘laisses-toi le temps’, moi qui étais à fond 11 ou 12 heures par jour, dépendant des mails, du téléphone, des réseaux sociaux, sous pression en permanence. J’ai eu beaucoup de mal jusqu’au jour où j’ai compris que le temps était effectivement le meilleur allié pour l’acceptation ».

« Une fois que j’ai touché le fond je me suis interrogé sur mon avenir. Cette façon de travailler ne correspondait plus à mes valeurs. Ce système de recherche de marges, de croissance, de bénéfice, d’accord. Mais la place de l’homme dans tout ça ? Beaucoup d’entreprises prônent aujourd’hui la bienveillance, mais la frontière avec l’exigence de résultat est étroite… ». Cet humaniste sincère cherche à mettre en accord ses convictions avec un environnement professionnel. « J’aime la nature, j’aime le jardin, j’aime le service, j’aime aider. Je crée mon entreprise au 1er octobre prochain. Elle va s’appeler ‘Green Life Expérience’, trois mots qui me correspondent bien ».

Jocelyn fournira plans et plants, conseils à l’appui et suggère que les clients fassent eux-mêmes, en famille, avec les enfants ou avec des amis. « Pendant que l’entrecôte cuit sur le barbecue. Je suis convaincu qu’on peut faire des choses simples, pas chères, personnalisées. Et prenant en compte que la nature c’est du vivant. Combien sont débordés quelques années après un bel aménagement ? ». Il observe une activité en plein essor chez les paysagistes depuis le confinement, avec parfois des tensions liées à la pénurie de main d’œuvre. « Le patron doit aller sur le terrain. Il est moins disponible pour les dessins ». Lui qui a bossé à l’étranger (Dubaï, Qatar, Pologne) connait le côté précurseur des pays scandinaves. « Un de mes dadas, c’est le retour de la nature à l’école. Il y a autre chose à imaginer avec le végétal plutôt que des mètres carrés d’enrobé dans la cour. Les tilleuls ou pins parasols déformaient l’enrobé, alors on les a coupés. Il y a mieux à faire, non ? ».

Ce passionné de 4X4 raffole des pistes africaines et balaie d’emblée les reproches faits à des conducteurs irrespectueux. « Mon approche est différente. On peut aimer la nature et le 4X4 qui est le plus adapté pour les pistes. Je mets cette passion au service de l’entraide. Comme cette année-là où notre billet d’avion permettait à chacun d’emmener 2 valises de 23 kilos, beaucoup plus que notre besoin. Nous avons complété de ballons de foot, de maillots et chaussettes. 7 valises au total grâce à une belle solidarité, y compris de la ligue de foot ». Le tout sera distribué dans la brousse sénégalaise, avec des sourires inoubliables en monnaie d’échange. « Quand on revient ici, notre regard change aussi ».

Jocelyn n’est pas indigné -il n’aime pas les excès de toute nature- même s’il éprouve quelques inquiétudes en regardant ce monde. « La bienveillance en premier lieu. Beaucoup la prônent, peu l’appliquent. Les considérations financières finissent toujours par l’emporter ». L’autre préoccupation touche à la nature, pour lui qui veut créer une petite forêt, derrière chez lui, au cœur de son village. « Certains oublient que c’est la terre mère qui nous porte, nous nourrit ». Il cite Pierre Rabhi et son colibri, le logo de son entreprise. « Si chacun fait sa part, tous ensemble on peut avancer avec un peu de sagesse et de bon sens ». La révolte n’est pas son crédo. « Je préfère l’équilibre. Basculer au tout électrique au nom de l’écologie me laisse perplexe. Tous les excès sont à éviter ».

Son auteur du moment c’est Laurent Gounelle. « Je l’ai découvert pendant mon arrêt. C’est le romancier du développement personnel. Cela m’a énormément aidé ». Par ailleurs, il aime les gens qui ne se prennent pas au sérieux. « C’est important de voir que des gens savent encore délirer. C’est bien de ne pas se prendre la tête ». Il revient à cette recherche permanente de l’équilibre. « Y compris dans la bienveillance on ne peut pas être à 100%. Il ne faut pas s’oublier. Notamment quand la confiance en soi est réduite à zéro après un burn-out par exemple ».

La phrase qu’il cite en guise de conclusion contient les valeurs de la transmission auxquelles il est attaché. « Si quelqu’un est à l’ombre aujourd’hui, c’est que quelqu’un a planté un arbre avant lui ». Et s’il fallait ajouter un mot, ce serait « Inch Allah » qui souligne son audace et sa confiance dans les perspectives qu’il dessine, du fond de son jardin intérieur.