Installé dans la région depuis 6 ans, Martial est originaire de la banlieue parisienne. La culture hip- hop lui a ouvert des horizons, à travers les associations dans lesquelles il a œuvré. Fan de cuisine, il aime aussi emmener son camion sur des chantiers artistiques, le matin aux fourneaux, l’après-midi aux pinceaux. Ses interventions auprès des jeunes ou dans le milieu carcéral l’ont marqué.

Ses potes, il les rencontre en colonie. « Grâce au travail de mes parents, je fréquentais les colos. C’est là que je rencontre ceux qui deviendront de proches amis, tous attirés par le hip-hop, certains dans la danse, d’autres dans la musique. Nous étions quelques-uns à faire du graffiti. A cette époque, c’était encore associé au vandalisme. On allait sur les chantiers, des lieux désaffectés, des wagons. C’est devenu un moyen d’expression qui permettait d’animer mon quartier. Rapidement, j’ai eu envie de vivre de cette passion. Je me suis toujours battu pour faire ce dont j‘avais envie ». À son tour, avec ses copains et son association, il crée des animations pour de grosses colonies pour le compte de sociétés comme la RATP ou EDF qui ont des centres un peu partout en France.

Pour multiplier les cordes à son arc, Martial travaillera quelques années dans la restauration. « C’est plus qu’un complément. Entre la cuisine et la déco mon cœur balance. Je ne fais pas de cuisine en un lieu fixe. J’aime travailler dans des stands ou emmener mon camion. J’ai plein d’expériences, avec des bars à vins notamment, comme la semaine du cinéma à Saint Denis par exemple. On sert des collations pour le public, ceux qui bossaient sur le festival, ainsi que les acteurs ou producteurs présents. Des journées bien remplies de 5 heures le matin jusqu’à 2 heures le lendemain ; ça pendant une semaine ».

Le graff l’a amené vers le métier de la déco. « Un architecte m’a confié un chantier dans un parc d’attraction. De fil en aiguille, je suis intervenu à Astérix, à Beauval, au Puy du Fou. Comme je viens ici de plus en plus souvent, je me suis installé dans le coin ». La pandémie a ralenti un peu l’activité. « Je me suis rabattu sur une petite guinguette à Boussay ‘Chez Josy’ où j’ai filé le coup de main. J’aime aller au travail avec la banane. J’ai toujours redouté le train-train. J’ai la chance de pouvoir vivre comme ça, multiplier les rencontres. Ils me rendent ce que je peux leur donner à ma façon. Moi, ça me suffit ». Martial est le père de deux grands enfants, 18 et 21 ans. « À mon tour, j’essaie de leur faire découvrir différentes expériences. A défaut de savoir ce qu’ils veulent faire, ils savent ce qu’ils ne veulent pas faire ».

Il se dit chanceux, ce qu’il illustre avec quelques faits marquants. « J’ai été tiré au sort en quatrième pour participer à un voyage Paris-Abidjan-Paris dans le cadre d’un programme d’échanges. Quelle ouverture sur le monde ! Nous étions une bonne vingtaine de jeunes, français, suisses, belges, répartis sur cinq ou six 4×4. Je me souviens que Max Meynier nous appelait régulièrement dans son émission ; nos parents avaient des nouvelles par ce biais. J’ai des tas de souvenirs vraiment incroyables comme être monté sur un dos d’un crocodile. Le guide l’occupait avec son poulet accroché au bout d’une corde. Je me souviens d’un enfant qui voulait tout me donner, sa poupée et ses jouets, parce que je lui avais offert un crayon…Tu ne vois plus les choses de la même façon après ça ».

Martial se souvient de ses interventions en prison. « Avec l’association, nous faisions du graffiti et de la danse à Bois d’Arcy. Des milliers de portes ; autant de clés. Tu ne fais pas cinq mètres sans qu’une porte claque. J’ai été super marqué en me disant que la prison, il faut vraiment tout faire pour l’éviter ». Il voit d’un œil différent ce que suppose la réinsertion. « Ça m’a ouvert l’esprit sur plein de choses en partageant mon activité avec des prisonniers et leurs gardiens ».

L’accompagnement prend une autre tonalité chez lui. Ses nombreuses animations en bénéficient. Jusqu’au jour où il éprouve le besoin de dire stop. « J’avais le sentiment de moins recevoir de la part des jeunes. Alors il y a une dizaine d’années, j’ai préféré créer mon entreprise individuelle autour de la décoration et de la cuisine ».

Martial revient sur son parcours. « Je suis arrivé là parce que j’ai reçu une éducation respectable de la part de mes parents. Aujourd’hui, ce sont mes enfants qui me donnent envie d’aller plus loin ». Jamais les deux pieds dans le même sabot, cet artiste vit un peu comme un électron libre. « J’apporte autant qu’on m’apporte. Je m’intéresse aux gens. Un sourire, un bonjour, suffisent parfois. Juste ça, ça fait du bien ».