L’éloignement rapproche de l’essentiel. Des rives du lac Baïkal en Russie, les pensées de François Cossard sont souvent tournées vers sa commune, la Tardière, son département et même son pays dont il est le promoteur à l’étranger via l’Alliance française. Entre la pêche à l’écrevisse dans le Sud Vendée où sont les racines familiales et la pêche au omoul dans le Baïkal, il y a deux cultures. Son regard croisé sur les deux pays, à l’occasion de quelques semaines de vacances, offre une analyse intéressante.

Avec son master en relations internationales, il doit choisir un stage. La diplomatie culturelle l’attire. C’est vers le réseau des Alliances françaises qu’il se tourne dans un premier temps. « Les intervenants en cours parlaient de ce pays comme d’un Etat majeur. Jamais je n’avais rêvé de Russie auparavant ». Ses études lui laissent le temps de travailler pour les musées d’Angers. « J’étais gardien du château de Villevêque, perdu au milieu des vignes, sans réseaux. C’était assez propice à la réflexion. Je me suis dit : il faut que j’essaie de postuler au sein des Alliances de Russie. J’ai reçu 2 réponses favorables, Oufa et Irkoutsk. Renseignements pris, c’est sans hésiter que je confirme Irkoutsk, la plus grande ville avant Vladivostok et la porte d’entrée sur le lac Baïkal ».

François débarque sans maîtriser le russe. « Ça m’a un peu empêché de dormir au début. J’ai fait avec ma méthode, m’aidant un peu de l’anglais, des dessins au tableau, des signes avec les mains, mais aussi de Google traduction. J’avais réussi à instaurer un climat de confiance. On prenait des verres en dehors du cours car nous avions à peu près le même âge, sans que mon autorité ne soit remise en cause ».

Plus d’un mois après son arrivée, l’Alliance française d’Irkoutsk fêtait ses 15 ans. « Parmi les personnalités présentes, le conseiller pédagogique avec qui j’ai beaucoup échangé me propose de faire un VIA (Volontaire International en Administration). Je portais un vif intérêt pour la voie diplomatique. Quelque temps après, j’ai postulé sur un poste de Chargé de mission pédagogique et culturelle. J’ai été pris à l’Alliance française de Novossibirsk où je suis resté deux ans ». Un poste se libère à l’Alliance française d’Irkoutsk. François accepte d’y retourner. « C’est ici que je retourne après mes congés, début octobre prochain ». Pour un an. « Je veux maîtriser la langue russe que je présenterai aux concours du ministère des Affaires Étrangères, avec l’anglais ». Les actions qui entraient dans sa mission étaient aussi riches que variées : enseignement, club de discussions et de cinéma chaque semaine, concours de BD et programmation inhérente, festival de cinéma, réception d’artistes, semaine gastronomique, etc. Sans oublier les nombreux liens avec les professeurs de français.

Quelques semaines après son arrivée en Russie, François est professeur au sein d’un stage linguistique au Baïkal. « Je me suis senti tout petit devant cette immensité. Il s’est passé quelque chose que j’ai du mal à définir, très personnel, pas forcément spirituel. Ça m’a chamboulé car je n’avais jamais ressenti ça ». Cela le conforte dans l’idée de s’établir dans cette région. « Les Russes sont très accueillants, avec un rapport à la temporalité différent de chez nous. Peu importe la manière dont vous faites si vous arrivez au résultat attendu. Je considère que la qualité de vie est plus élevée qu’en France. Il y a moins de pression ; c’est ce que je ressens ». Le lac Baïkal le fascine. « Les Russes aiment beaucoup la nature, à plus forte raison ici. On peut se balader avec les chiens de traîneaux, faire du patin sur le Lac. La couche de glace est tellement épaisse que des routes sont ouvertes l’hiver où la température peut descendre à -45°C. C’est pittoresque de creuser dans la glace pour pêcher le poisson. Il y a les « experts » avec la tente et le petit réchaud qui y passent la nuit. Les sentiers, au milieu des forêts enneigées, c’est vraiment sympa ».

Depuis longtemps, François est animé par cette idée de servir son pays. « Que pouvais-je faire en dehors de l’armée pour servir la France ? Cette envie provient probablement de mon éducation, de cet enracinement très profond ». Les vielles pierres le passionnent. « Le patrimoine est une branche à laquelle j’ai songé à une époque et qui continue de me passionner ». La politique ? « Étudiant, j’étais président du groupe de droite au parlement des étudiants d’Angers. Je garde un très bon souvenir de ces débats avec les jeunes. Aujourd’hui, je n’ai pas d’engagements ». Il lit le journal du département avec un vif intérêt.

Il essaie d’être lucide devant les défis qui se présentent à la jeunesse. « C’est la période de tous les démarrages, de tous les possibles. Chaque génération a ses défis. J’ai lu récemment qu’avec le confinement, il y avait un resserrement des liens familiaux et amicaux. Sur ce point, les Russes nous devancent avec un réel intérêt pour les regroupements physiques ». Et d’ajouter. « On sent bien qu’on est dans une période qui tremble. Il y aura de grands changements. On le pressent avec les gilets jaunes. Certains prédisent de nouvelles crises financières. Il faut arrêter de regarder les infos à la TV ; moi je lis. Il faut voir aussi les bonnes choses. Il y aura des opportunités ».

Promouvoir la France en Russie, c’est aussi faire tomber quelques clichés. « Beaucoup nous situent encore à l’époque d’Edith Piaf ou de Georges Brassens. Il faut leur dire que notre pays c’est aussi le communautarisme, le chômage, la pauvreté grandissante. Mais c’est également un formidable pays avec un patrimoine exceptionnel, un tourisme qui se développe et qui mute. La France fait rêver à l’étranger. Ça renforce le plaisir que j’ai à la promouvoir ». Comme son département de la Vendée ou sa commune de la Tardière.