Celui qui enfant ou ado se faisait moquer, tient comme une petite revanche. Mathias a privilégié l’école de la vie, empruntant des chemins de bohème, butinant sur les voies de l’animation en milieu rural. Fort de sa seule expérience, il s’épanouit aujourd’hui en Ariège au milieu de ses ruches. La Flocellière demeure son port d’attache où il compte de très nombreux amis. « En regardant nos différents cheminements avec les copains, je constate que le mien a connu quelques embûches. Il est à mon image,  fidèle à mes rêves, et me donne une sensation de liberté parfois enviée ».

Son parcours scolaire ne restera pas dans les annales. « Je n’ai même pas le brevet des collèges ! J’ai voulu commencer comme paysagiste. Je suis allé ensuite à la Maison de la Vie Rurale. Un vrai déclic autour de la ruralité et du lien intergénérationnel, le jardinage à l’ancienne, l’écologie. Mes copains ne comprenaient pas le plaisir que j’avais à aller là-bas ».

Au-delà de l’environnement, Mathias découvre le collectage auprès des anciens, des veillées avec des chansons à ‘ripouner’. La fibre de l’animation rivalise chez lui avec son goût pour le jardin. Il tente après différents stages une candidature, sans y croire, pour être animateur auprès d’adultes. Il fera partie des 12 lauréats alors qu’ils sont 500 à postuler. Au bout d’un mois et demi, patatras, son manque de maturité, et surtout son goût pour la fête ont pris le dessus. La déception est grande. Il testera la chaîne dans une usine automobile, reviendra dans l’animation en Bourgogne, dans le Jura…

La Flo n’est jamais très loin, très longtemps. « J’étais pleinement investi dans ‘FoliWood’ un festival sur Pouzauges qui cartonnait bien. Avec les potes, c’était les grosses soirées, l’alcool et la fumette… n’importe quoi. Je vivais un peu à la roots. Jusqu’au jour où mes parents ont frappé un peu plus fort sur la table. J’ai fait le choix de ma famille et ça a été un gros changement de vie ». Un retour aux sources avec toujours l’animation en toile de fond, Calypso à Pouzauges, le jardin pédagogique qui rapprochait les enfants des anciens.

L’apiculteur voisin venait de se faire opérer, il avait besoin d’aide. « Il a fallu que ma mère insiste car je n’étais pas motivé. J’ai fini par accepter. Le jour où Jean-Bernard a ouvert ses ruches, j’ai découvert un autre monde. La nuit qui a suivi, je n’ai pas dormi. Le lendemain je le rappelle pour lui proposer mes services dès qu’il a besoin. Il m’a donné une ruche que j’ai installée à la maison de la vie rurale. 70 kilos de miel cet été-là, énorme ! ». Mathias était piqué. Y compris au sens propre le jour où une ruche se renverse dans sa voiture, libérant ses occupantes !

Il achète un camion pour partir à la rencontre d’apiculteurs dans les Pyrénées, mais aussi dans l’est, en Bourgogne. Il passe son BPREA, spécialité apiculture en 2010 prévoyant de s’installer en Vendée. « Pierre Barouh me fait venir à la Morvient. Une rencontre incroyable avec ce grand monsieur. Mon projet le botte total. J’y installe mes 50 ruches. J’avais mon petit camion, mon ami 8 et mon chien qui s’appelait Pollen. Chez lui, j’ai fait un paquet de rencontres artistiques, moi qui avais la chance d’avoir un père chanteur, qui reprenait Brel ».

Lors de sa vadrouille en Ariège, Mathias avait fait la rencontre d’un ami qui à son tour fait le crochet par la Morvient. « J’étais découragé. La production et mon expérience n’étaient pas suffisantes pour vivre décemment. Il m’a proposé de le rejoindre en Ariège, me disant que j’avais trop le feeling avec les abeilles. Je tente l’aventure après avoir vérifié la faisabilité de mon projet auprès de la Chambre d’Agriculture. Je quittais mon confort d’ici. Huit ans après, cette expérience a été extraordinaire. Il y a eu de la mortalité chez les abeilles les premières années. J’ai été conseillé et stimulé par différents exploitants, un en particulier qui m’a énormément apporté ». Aujourd’hui Mathias a près de 300 colonies, dont 200 productives. Érable champêtre, bruyère callune, rhododendron, pissenlit et bien d’autres, principalement en Ariège mais aussi en Provence pour la lavande, en Corbières pour le romarin. « Je vais revenir à une apiculture plus sédentaire, en mode permaculture, avec une récolte dans l’année ». Il écoule 60% de sa production ici en Vendée.

Son parcours, il le regarde aujourd’hui avec satisfaction. « Mes copains me disent que j’ai la vie dont j’ai toujours rêvé. Mes parents nous ont éduqués en ce sens. ‘Vivre un impossible rêve’ comme le chante Brel, si présent chez nous. Ferré aussi. Je suis sensible à la poésie, à la revendication. Quand une phrase me plaît, je la répète, je m’en inspire. Comme celle de Pierre Barouh qui dit : Internet c’est bien, mais je préfère une terre nette… ».

Mathias est un peu désabusé par la période que l’on vit depuis bientôt 2 ans. « Au début de la crise je pensais qu’un changement était possible, mais je n’y crois plus. C’est la religion cathodique qui prend le dessus ». Le vaccin le laisse sceptique. « J’aimerais qu’on mette la même énergie pour une alimentation équilibrée et respectueuse de l’environnement ».

Il pratique la méditation vipassana. « C’est totalement neutre sur le plan confessionnel. On se coupe du monde pendant 10 jours dans un environnement silencieux, totalement hermétique. J’ai appris les événements du 13 novembre 2015 le 20, à la fin de la session. C’était étrange. Nous étions probablement les derniers au courant ». Il a rencontré le dalaï-lama à Nantes, « par curiosité ». Il repense cependant à une phrase entendue ce soir-là. « Toute chose se trouve dans l’esprit, l’esprit se trouve dans l’espace, et l’espace lui ne se trouve nulle part ». « J’aime la relativité contenue dans cette phrase. Elle m’aide à garder le cap devant cette masse d’informations ».

Il n’écarte pas l’idée de revenir ici un jour ou l’autre. « Peut-être pour faire autre chose. Je vis mieux la ruralité ici qu’en Ariège, même si je me sens bien là-bas. Ce n’est pas pareil. Ici, j’adore la simplicité des relations ». Et de conclure. « Je ne veux pas aller contre ma conscience ».