C’est au pied de la tour d’Arundel, sur le quai de la Chaume que je rencontre Muriel. Elle est bénévole au sein d’un festival qui s’est posé dans ce bel endroit. C’est aussi le berceau familial. « Mes grands-parents tenaient la boucherie ; ma mère est née ici ». La mer tend une main à travers le chenal. Muriel est une femme de la voile. « En 1999, alors que je suis quelqu’un de réservé, je vais au devant de Philippe Jeantot pour lui dire que je veux bosser sur le Vendée Globe. Quelques mois plus tard, il me propose de rejoindre son équipe ». Elle a aussi travaillé sur des courses plus petites. Une passion qui lui a permis de sillonner le monde et de poser un regard réfléchi sur cette planète.

S’il est un sport qui envoie du rêve, c’est bien la voile. « De la coulisse, tu observes les choses un peu différemment. Skippers, team, organisateurs… Comme dans beaucoup de milieux, il y a des personnes extra. Et puis d’autres qui ont des valeurs différentes de l’image qu’ils véhiculent. Pour autant je reste admirative de ce qu’ils font. J’ai gardé quelques amis dans cet univers de course au large, des personnes inchangées malgré l’exploit qu’elles accomplissent lors de ces courses ».

Rien ne prédestinait Muriel à bosser dans la voile. « J’étais un peu perdue à la sortie de mes études. La Fac ne me correspondait pas et je ne me sentais pas vraiment adaptée au système scolaire. Je suis partie un an en Irlande ; au moins ça devait m’aider à parfaire mon anglais. A mon retour, ma mère voulait que j’aie un diplôme, un vrai, alors j’ai fait TS + ! ainsi que des stages UCPA pour apprendre la voile. Et je suis retournée bosser en Irlande. Là-bas j’ai poursuivi la navigation avec des propriétaires irlandais que je sollicitais. J’y allais au culot ». Tout ça, en conservant un œil sur ce qui se passait en France. « Ado, mon oncle Michel m’emmenait en zodiac voir les bateaux du Vendée Globe. Lors de la 1ère édition, une copine, fan de Loïc Peyron, me propose de suivre un skipper. J’ai choisi Alain Gautier, le plus jeune de la flotte. Je découpais tous les extraits de presse le concernant. Certains le font pour des chanteurs, moi c’était les skippers. Je me souviens du départ où j’ai pleuré à chaudes larmes en me disant : ils sont tarés ! ».

Ce milieu de la course en mer a été une véritable ouverture sur le monde pour Muriel. « On m’a notamment proposé de travailler pour le 1er trophée BPE Saint-Nazaire/Dakar, en Figaro. En fait, ce sont une succession de rencontres, d’opportunités qui m’ont emmenée ici ou là. J’ai beaucoup voyagé sur tous les continents. Un peu moins l’Asie. J’ai pris l’avion à l’âge de 15 ans pour la première fois pour aller aux USA. J’ai trouvé ça pas compliqué. Alors moi qui n’étais pas beaucoup sortie de mon village, j’ai croqué à pleines dents cette ouverture au monde. La voile m’en a donné l’occasion ».

La naissance de sa fille Inis sera un nouveau cap. « Elle est ma petite fierté, mon bonheur. Je suis passée de célibataire à ‘en couple’ et maman, tout en ne voulant pas perdre mes amis. Ça bouscule bien évidemment les habitudes, mais depuis 7 ans, c’est l’équilibre de ma fille qui prime. Je lui fais comprendre aussi que sa maman c’est aussi une épouse et qu’elle a des amies. Tout est affaire d’équilibre. Avec Fabrice, nous défendons l’éducation par l’exemple ».

Muriel est soucieuse du monde de demain. « Mes voyages, mais aussi mes relations actuelles avec des artisans me confirment que ce monde va à la dérive. Les réserves naturelles qui s’épuisent, ce n’est pas du pipeau ». Elle trouve aussi que les relations entre les habitants de la planète sont de plus en plus crispées. « J’essaie de comprendre ceux qui fuient leur pays en raison de la guerre ou de la famine. On ferait quoi à leur place ? ». Les catastrophes climatologiques la préoccupent. « J’évite de trop y penser, sinon je déprime ». Mais elle garde une lueur d’espoir. « Je crois en la résilience ».

Pour l’instant, Muriel n’est pas vaccinée contrairement à son mari. « Je suis très soft et je ne veux pas faire de vagues. Ce débat entraîne trop de crispations. C’est juste que tout ce que j’essaie de construire autour de moi est contraire à cette idée de vaccin. Je ne redoute pas qu’on me mette une puce, c’est ridicule. Je n’irai pas non plus manifester. Mais pourquoi ceux qui nous gouvernent ne mettent pas la même énergie à endiguer les maux dont souffre la planète ? En luttant contre la malbouffe et autres produits toxiques, on pourrait sauver plus de vies, non ? ». Et d’ajouter : « Mon frère qui était plutôt rebelle lorsqu’il était jeune s’est fait vacciner, et moi c’est l’inverse. Dans cette histoire, j’ai peur que nous perdions quelques amis. Ça me rend triste. Il faut adapter nos modes de vies. Dans ma famille, nous avons des besoins très simples ; on ne vit pas dans la surconsommation ».

Muriel mesure les petits bonheurs au quotidien tout en s’interrogeant. « Il y a plein de choses qui me remplissent de joie, comme les petits mots de ma fille, faire du surf avec Lalie (sa belle-fille de 14 ans), un bon bouquin, ou simplement le fait d’aller au boulot à vélo. Et puis il y a comme une chape d’inquiétudes qui plane au-dessus de nous… ». Elle défend la permaculture. « Elle conjugue le respect de l’humain, de la terre, tout ça de façon équitable ». Peu de TV, pas de Netflix. « Je préfère les sorties dans la nature avec mon appareil photos ». La sobriété heureuse d’un Pierre Rabhi fait référence pour elle.

Fan de Cabrel et de chanson française, Muriel recommande aussi la lecture de ‘Conversations avec Dieu’. « C’est un bouquin qui responsabilise vraiment ». Cela la conforte dans ses convictions : « Privilégions l’amour à la peur, qu’il y ait plus de tolérance, moins de jugements. Moi, j’essaie de semer des petites graines sans savoir ce que cela va devenir ». Avec de l’espoir en forme d’engrais naturel.