Il suffit de taper son nom sur le web pour comprendre que la vie de cet homme-là est extraordinaire. Depuis qu’il est à la retraite, il est revenu habiter Damvix dans le marais poitevin. « C’est là que sont les racines familiales depuis plus de 150 ans ». Jean-Claude souffre d’un handicap majeur. « On m’a diagnostiqué une cécité quand j’avais 17 ans ». Lui qui se destinait à une carrière plutôt orientée vers le commerce fait alors le choix de la kinésithérapie. Sa vie est une succession de défis professionnels et sportifs. De sa sélection aux JO paralympiques de Lillehammer au marathon de New-York, sans oublier sa traversée de la Manche en Kayak. A 66 ans, il garde cet esprit sportif. « Quand j’arrive dans le bourg de Damvix, un coup en kayak, une autre fois en courant, ou encore en trottinette, les gens finissent par se demander si je suis vraiment aveugle ».

« Ne jamais baisser les bras ». Telle pourrait être la maxime de Jean-Claude. « Le handicap c’est parfois plus le problème des autres que vis-à-vis de soi-même. Grâce à ma cécité, je développe la mémoire, mon oreille et plein d’autres qualités ». L’autre pilier pour lui, c’est donner du sens à sa vie. « Travailler, manger et dormir ne suffisent pas. Quand on perd quelque chose il faut systématiquement le remplacer. Quand j’ai perdu la lecture, je me suis mis à la guitare. Quand je n’ai plus pu faire de la pratique sportive en autonomie, je me suis fait accompagner ». L’ennui n’est pas de son univers. « Ceux qui n’ont rien à faire n’ont qu’à aller en EHPAD et discuter avec les petits vieux ou enregistrer des livres pour les bibliothèques sonores. On peut toujours trouver le moyen de se donner aux autres, être fraternel ».

Durant ses études de kinésithérapie ou dans sa vie professionnelle, Jean-Claude a toujours eu une approche critique. « On ne nous explique pas bien ce  qu’est réellement l’être humain. C’est la raison pour laquelle pendant 45 ans je me suis creusé la tête en m’inspirant de l’ensemble des techniques médicales existantes qui ont toutes leur part de vérité ». Quarante-cinq années de recherches compilées dans un ouvrage retracent ses découvertes et son itinéraire professionnel (*). Une personnalité hors normes doublée d’un palmarès sportif éloquent.

« Au début de mon mariage avec Pauline en 1977, j’ai voulu prouver que j’étais capable de me transporter en autonomie simple malgré mon handicap. A l’occasion de vacances en Bretagne, je décide de faire Brest Paris en vélo, seul. Il m’a fallu 3 jours ». L’année suivante il s’attaque à Reims Grenoble en prenant la route des cols (le Télégraphe, Galibier, Chartreuse) au rythme de 180 kms/jour. « Quand je fais une course, je suis en compétition avec moi-même, pas avec les autres ». Il est attiré par les sports de glisse. « La planche à voile, mais aussi le ski de fond qui est une excellente préparation pour le vélo ». Transjurassienne, traversée du Vercors, Jean-Claude est repéré par la fédération Handisport. « Ils m’ont embarqué de 1992 à 1999 sur le championnat d’Europe de ski de fond et de biathlon. Je participe aux JO de Lillehammer en 1994. Là j’avais la pression du résultat. Ce n’était pas très agréable sur l’instant. J’ai terminé au milieu du ‘paquet’ ». Une performance qui lui ouvre les portes du marathon de New-York, sponsoring à l’appui. « Je suis descendu sous la barre des 3 heures à 3 reprises ». Un palmarès incroyable, presque naturel pour Jean-Claude qui a fait encore 600 kms de ski de fond l’hiver dernier.

Kayakiste depuis l’âge de 15 ans dans ‘son’ marais, il longe avec son épouse les côtes françaises sur 2000 kms. « J’ai eu la chance de rencontrer Jean Capdevielle qui m’a proposé de m’accompagner, lui qui avait déjà fait le tour de France kayak. J’ai dit OK mais je veux le faire en solo. Deux mois après, il me rappelle pour me proposer de traverser la Manche. J’ai mis 5 secondes à lui répondre ‘oui’ ». Pour Jean-Claude, c’était une aventure plus qu’un exploit sportif. « C’est une façon pour moi d’interpeller aussi les gens qui ont la santé et qui n’en profitent pas. Ils ont tout pour donner du relief à leur vie. Alors ? »

Une vie étonnamment remplie et probablement incomplète dans sa description. « À l’époque où j’étais au CREPS à Reims, j’ai été appelé pour être kinési sur Roland Garros, pendant neuf ans ». Un de ses souvenirs marquants, comme sur le plan professionnel, c’est la publication dans une revue internationale à propos du lien entre l’électrostimulation et la mémorisation d’une correction. « Il a fallu cinq ans pour la publier ». Sa grande blessure ? « La disparition de mon épouse en 2014. Là, j’ai perdu ma joie de vivre. Le sport et le travail me tiennent. Sans eux, j’aurais moins le goût à continuer ma route ».  Ce qui ne l’empêche pas de ralentir son rythme. « J’ai fait un livre pour transmettre mes découvertes. Je partage avec un réseau de praticiens qui parfois enrichissent ma méthode ».

Né d’un père vendéen parti à Reims en 1946, Jean-Claude est revenu à Damvix à la retraite, sans jamais avoir coupé le lien avec ce marais qu’il affectionne particulièrement. « Ma vie est un enchaînement qui ne s’arrête jamais. Ce que j’ai fait précédemment, je m’assois dessus pour avancer ». Sur le plan des croyances, il est intarissable. « Je suis un croyant athée. Pour moi, Dieu, c’est le bing bang. Le pouvoir des religions est néfaste lorsqu’il débouche sur des conflits, et Dieu sait si depuis l’Inquisition jusqu’à aujourd’hui ils ont été nombreux. Mais sur l’au-delà, je ne doute pas ».

L’évocation de la pandémie revient souvent dans ses rendez-vous avec les patients. « Il faut accepter de se faire vacciner. Les gens ont perdu confiance dans la médecine qui ressemble aujourd’hui à celle de Molière et ses grands chapeaux. Qu’on retire l’homéopathie de l’enseignement en fac est un non-sens ». Celui à qui on a dit récemment que son principal défaut était d’avoir 50 ans d’avance est serein. « Je suis en harmonie avec ce que recherchent beaucoup de gens ».

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