Flâner sur les quais de Port Joinville avec Popo -c’est le surnom de Paul Henry- est une plongée dans l’histoire de l’Ile. Responsable du seul dépôt de carburant sur l’Île, c’est lui qui ravitaillait les marins « qui partaient parfois pour un mois quand ils allaient aux Açores. Je faisais partie de ce monde maritime ; ils me racontaient leurs histoires ». Popo est un homme sensible à l’esthétique d’une photo ou d’une vidéo. Il fait lui-même ses montages, en veillant à rester à la pointe de la technologie. Il a reçu cet héritage de son père. « Il était pharmacien. Sa passion était de filmer tout ce qui se passait sur l’Ile d’Yeu».

Orphelin à 12 ans de son père décédé à 41 ans, Popo a vécu des années difficiles. « Le service militaire après, c’était pour moi de la rigolade. Il n’y avait pas de collège sur L’Ile. En sixième, j’ai dû partir à Nantes pour ne revenir qu’aux vacances, deux mois plus tard. Je prenais le bateau à 5 heures, le premier Insula. La discipline des curés, les grands dortoirs…c’était dur pour un enfant comme moi, un peu insoumis ». Il fera sa terminale à Saint Gabriel, chez les frères à Saint-Laurent-sur-Sèvre. « Mon père était passé par là. Et puis comme j’étais soutien de famille, je voulais travailler en même temps, surveiller les plus jeunes ». Revendicateur, il ne taisait pas ses colères quand les engagements de la direction à son égard n’étaient pas respectés. « J’ai été viré. En représailles, aidé de quelques complices, nous avons peint la statue de Montfort au minium. J’ai quand même eu mon Bac. Par erreur ! J’avais 70/200 et il a été entouré ‘Reçu’. Mon nom était dans le journal le lendemain… »

Jeune, Popo aime s’échapper de son ile. « J’avais une moto, une BMW R50 de 1955 bicylindres, avec laquelle je suis allé en Grèce, en Italie. En Espagne, les flics qui n’avaient que des monocylindres voulaient l’essayer. Alors on échangeait ! » Mais il revient toujours sur son ile. « On est quand même vachement bien ici »

Son air facétieux prend un air plus grave lorsque Popo évoque des souvenirs tragiques. « L’Ile du Ponant était le bateau qui nous ravitaillait toutes les semaines au dépôt. C’était mes potes. Ils ont péri au large de la Turballe. En partant de Belle-Ile le capitaine n’était pas très chaud au vu du gros temps. L’équipage a insisté pour pouvoir partir en weekend. Seul le mécano a eu le réflexe de s’enfermer dans la salle des machines…Il s’en est sorti ».

Popo retrouve vite le sourire lorsqu’il est question de films. « Mon père a réalisé des images magnifiques qui depuis ont été numérisées. Un riche patrimoine audiovisuel pour tous les islais avec la fête des fleurs, le dauphin ambassadeur dans le port ; les enfants qui nageaient avec lui. Mon père a filmé l’enterrement de Pétain. Son cercueil a été volé quelques années plus tard…Du coup j’ai filmé le second enterrement. Mais surtout, il y a des images du port avec cette flottille colorée qui comptait alors près d’une centaine de bateaux ». Lorsque le festival « Viens dans mon Île » a été créé, il a tout de suite eu la confiance d’Antoine le président pour la diffusion des concerts en direct. « Pour une première, ce n’était pas si mal ». En 2021 il vient de boucler le tournage du film « L’Île en péril » qui permettra de découvrir de somptueuses images du Vieux Château ou du port de la Meule. « La sortie est prévue début août dans plusieurs salles vendéennes. C’est une super aventure partagée avec des jeunes islais qui ont assuré la production. La musique est signée d’un jeune qui est sur l’Ile depuis peu. Il n’y a jamais eu un film de cette ampleur consacré à l’Île d’Yeu ».

La vie de Popo est si riche que l’entretien pourrait s’éterniser. « Il y a un esprit d’entraide ici comme nulle part ailleurs. Nous avons une appli « Yeu Troc » qui est un vrai réseau d’entraide. Nous avons la mer. La nature est belle, même en hiver. Les tempêtes, c’est propice à la réalisation de belles images ! ».