Son maître mot c’est : « aller de l’avant » ! Sûr de ses convictions, le regard des autres ne l’intéresse pas plus que ça. Homme de tempérament, Auguste est un homme ouvert, un homme d’engagement. A 88 ans, il n’a pas étanché sa soif de curiosité qu’il nourrit chaque jour de ses lectures durant près de deux heures, sur les journaux ou sur internet. A 83 ans il part à bord du Transsibérien, de Moscou à Vladivostok, seul Français à bord, sans maîtriser la moindre langue étrangère…

« Je suis né à Cholet, près du château de la Tremblaye. J’ai deux ans lorsque mes parents s’installent comme cultivateurs à Treize-Vents, à la Chuinière. Mes frères et moi voulions être agriculteurs et mes parents avaient trouvé une ferme disponible à Chavagnes en Paillers. Ma mère a dit : « on ne va pas envoyer seuls tes deux frères qui sont célibataires ». Ça m’a coûté car j’aimais bien Treize-Vents où j’étais conseiller municipal, et en même temps j’étais d’accord avec elle. Ma jeune femme Majo était d’accord aussi. Mon frère Michel est venu avec moi et René est resté à la ferme familiale. Nos deux exploitations étaient regroupées en GAEC (Groupement Agricole d’Exploitation en Commun). C’était le septième en Vendée ! Nous étions précurseurs. Nous avons tout de suite créé une CUMA pour investir dans du matériel.

On a vécu une vraie coopération à l’échelon local, avec trois jeunes voisins qui s’installaient également. Nous voulions rompre avec l’agriculture traditionnelle. Avec nos techniques innovantes, l’usage des engrais et les tracteurs, nous révolutionnions la profession. On nous appelait les ‘Américains’ mon frère et moi ; peut-être à cause de mon chapeau ? Avec le recul, l’agriculture des années 60 – 70 a peut-être poussé le bouchon un peu loin, mais il faut voir dans quel état de pauvreté étaient les terres ! Je comprends bien entendu les interrogations sur le monde agricole de ces dernières années. Il faut veiller à un équilibre et respecter la nature.

Cette volonté d’entreprendre trouvait sa ressource dans mon militantisme chez les jeunes agriculteurs. Il fallait qu’on vive du métier qui nous passionnait. Quand tout était à refaire, quand bien même ça semblait impossible, en groupe on y parvenait. J’étais sorti de l’école à 12 ans comme beaucoup à l’époque. J’ai suivi ensuite des cours par correspondance – j’étais le seul sur ma commune à faire ça. Et puis, c’est sur le terrain, en innovant et en échangeant avec les copains qu’on a réussi. Rapidement, j’ai été en charge de la fédération des exploitants producteurs de légumes de conserve. C’était important de mutualiser et partager les savoirs.

Ma formation s’est faite aussi au travers de mes voyages, sur les cinq continents, chez les exploitants américains ou australiens. Nous sommes allés en Afrique, plutôt dans un but humanitaire. En Chine aussi : je voulais voir de mes yeux ce que je lisais par ailleurs. Je me souviens avoir aidé un Mexicain à réparer son tracteur sans que nous ayons pu échanger un seul mot. Tous ces voyages m’ont beaucoup apporté. En trois semaines, on apprenait autant qu’en une année d’études. Tout ça avec un objectif constant : progresser.

Mon dernier voyage à bord du Transsibérien s’inscrit dans la même veine : comprendre le monde et ses évolutions. Le copain qui devait m’accompagner a perdu son épouse quelques semaines avant notre départ ; je suis parti seul. Heureusement, j’avais une interprète que j’ai sollicitée dès mon arrivée à Moscou : ma valise n’était pas arrivée à l’aéroport ! Je revois dans les steppes un paysan revenir avec le joug sur l’épaule, alors que les bœufs marchaient à côté de lui. Comme j’étais le seul Français à bord du train, le guide m’appelait De Gaulle !

Si je suis comme ça aujourd’hui c’est grâce aux personnes que j’ai côtoyées, mes parents en premier lieu. On s’affrontait (notamment sur l’évolution du métier) et on s’aimait. Mle Emilienne, mon institutrice, m’a captivé par ses récits, M. Jousseaume ensuite, sévère et attachant. L’Action Catholique a été ma formation permanente. J’ai milité au sein du CCFD (Comité Contre la Faim et pour le Développement) et de l’ACAT ( Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture,  branche d’Amnesty International) et au CMR (Chrétiens en Monde Rural). Je suis optimiste à 200%. J’ai pourtant traversé des épreuves. Ma femme a été malade Alzheimer durant 16 ans et je l’emmenais toujours avec moi. Le regard des autres ne m’a jamais posé problème. D’une manière générale, j’ai une grande confiance dans les gens. Au premier abord, quelle que soit la personne, je m’y intéresse sincèrement.

Tous les midis à la résidence pour personnes âgées, on attend ma blague du jour, que je vais chercher sur internet ou que j’invente. J’ai toujours été fan de Raymond Devos, ce grand magicien des mots ! »